Risques naturels et société
La symbolique des risques naturels : Les déluges et l’Atlantide
1. Problématique
Les sources littéraires de l’Antiquité nous ont transmis deux des récits les plus célèbres mettant en scène la force destructrice de l’eau : le Déluge, l’inondation universelle relatée notamment par la Bible et les traditions mésopotamiennes (IIe millénaire av. J.-C.) et l’Atlantide, l’engloutissement universelle d’une île dans l’Océan décrit par le philosophe athénien Platon (IVe siècle av. J.-C.).
Dans un souci d’exhaustivité, la lecture de ces drames impose d’adopter deux approches diamétralement opposées : la première consiste à admettre une certaine authenticité des faits (déformés ou amplifiés par l’imagination collective et individuelle) : telle est l’approche objectiviste; la seconde consiste au contraire à récuser toute valeur historique à ces récits, considérés dès lors comme pures affabulations : telle est l’approche subjectiviste.
Au travers de l’étude de ces récits situés à la frontière de la réalité et de la fiction, il s’agira pour l’essentiel d’en déterminer l’origine, mais aussi la fonction. Accessoirement, cette synthèse illustrera la formidable complexité de constructions socio-discursives suscitées par une catastrophe naturelle.
2. Les déluges
2.1. Généralités
Contrairement aux idées préconçues, il n’existe pas un, mais plusieurs mythes de Déluge répartis sur tous les continents (pour s’en convaincre, cf. F. Berge 1951); il faut toutefois préciser que les occurrences de déluges sont moins fréquentes dans les régions intérieures/intra-continentales, éloignées de la mer ou exemptes de grands fleuves (régions d’Asie et d’Afrique surtout).
2.1.1. Noé et le déluge biblique
Dans toute la chrétienté, la version de référence demeure évidemment celle de la Bible; elle raconte l’anéantissement de l’humanité par Dieu-Yahvé en représailles de la méchanceté des hommes, les seuls êtres réchappant de cette inondation universelle étant Noé et les siens, ainsi qu’un exemplaire de chaque race animale (cf. Genèse VII-VIII). Le Déluge dure symboliquement sept jours et sept nuits et associe orage, tempête et inondation des fleuves. De même que la religion de manière générale, cette version biblique influencera fortement les sciences et notamment la géographie dite physique : en effet, on donna par exemple le nom de “diluvium” à certaines formations alluviales datant du début de l’ère quaternaire, car, pensait-on, ces limons avaient été déposés par une gigantesque inondation qui ne pouvait être que le Déluge ! On expliqua aussi par ce fait biblique l’existence des blocs dits erratiques (explication battue en brèche par la “théorie sur les glaciers” présentée en 1837 par Louis Agassiz).
2.1.2. L’épopée de Gilgamesh
Depuis 1872, les savants estiment que la version biblique descendrait en droite ligne d’une légende assyrobabylonienne, intitulée “L’épopée de Gilgamesh”. Cette version originelle a été consignée (en écriture cunéiforme) sur des tablettes d’argile à la fin du IIe millénaire av. J.-C. (lesdites tablettes ont été découvertes lors de fouilles archéologiques sur le site de Ninive en Irak actuelle). Cette “épopée” raconte, dans un de ces chapitres, la rencontre de Gilgamesh avec le “Noé assyrien”, nommé Outa-Napishtim (Gilgamesh désire apprendre de son interlocuteur les secrets de l’immortalité que Outa-Napishtim a reçu des dieux après avoir survécu à l’inondation universelle). Certains supposent que ce récit aurait été incorporé dans l’“Ancien Testament” après la déportation de l’élite juive à Babylone par Nabuchodonosor en 521. Si la paternité de plusieurs déluges occidentaux incombe à “l’épopée de Gilgamesh” (cf. version grecque de “Deucalion et Pyrrha”), la plupart des autres récits de la planète sont toutefois originaux (cf. versions provenant du Nouveau Monde, mexicaine, guatémaltèque, mais aussi nippone, etc…)
2.2. Interprétation objectiviste
L’approche objectiviste considère le mythe comme le reflet d’événements réels. Partant de ce principe, plusieurs hypothèses “géomorphologiques” peuvent expliquer le ou les déluges.
2.2.1. Déluge universel : mouvements tectoniques et glaciations
Si l’on considère le Déluge comme universel, voici quelques solutions :
–Mouvements tectoniques : l’histoire géologique de la planète a connu maintes fois des alternances de transgressions marines (avancées des eaux par rapport aux terres continentales) et de régressions (retraits des eaux); aussi le Déluge coïnciderait-il avec une phase de transgression, caractérisée par un “repos” tectonique ayant favorisé un nivellement du relief des fonds marins (par alluvionnement) et des terres (par érosions multiples), d’où une montée généralisée des eaux et inondation de terres côtières (cqfd. !); la faille de cette hypothèse réside dans l’échelle temporelle considérée : les mouvements tectoniques correspondent en réalité à des modifications extrêmement lentes, n’entraînant aucun bouleversement catastrophique !
–Fonte des glaces : à la fin des dernières glaciations, il y a 10 à 20000 ans, les glaciers qui recouvraient une partie de l’Europe et de l’Amérique du Nord se mirent à fondre; cette fonte fit monter le niveau des océans de 100 à 110 mètres; cette élévation globale du niveau des eaux dut fatalement submerger toutes les terres côtières; mais, de même que pour l’hypothèse précédente, celle-ci évoque un phénomène d’une extrême lenteur : en effet, la montée des eaux est estimée à 7-12 mm/an dans une première période, puis à 1-2 mm/an. Un dernier argument peut être avancé à l’encontre d’un Déluge universel : les savants ont calculé que si toutes les eaux contenues dans l’atmosphère tombaient d’un coup sur la terre, la couche d’eau ne dépasserait pas 10 cm ce qui ne correspond en rien à la description biblique des montagnes englouties par les eaux.
2.2.2. Déluges locaux : raz-de-marée, vents impétueux, typhon,…
Si l’on considère les déluges comme locaux/régionaux, voici quatre causes susceptibles d’engendrer des crues brutales des eaux :
–Raz-de-marée dus à des séismes sous-marins ou à une chute de météorite (rarissime !), mais entraînant une montée des eaux de brève durée.
–Vents impétueux qui refouleraient l’eau de mer vers l’embouchure des fleuves.
–Sortie brutale des eaux contenues dans un bassin par suite de secousses sismiques, de dissolutions de terrains calcaires, etc… (de même, des éboulis et des glissements de terrains d’importance seraient capables d’endiguer un fleuve provoquant une inondation)
–Typhon ou cyclone entraînant des pluies torrentielles et des vagues géantes (15 m env.).
2.2.3. Hypothèse “Mer Noire”
Des géologues de l’Université de Columbia pensent pouvoir expliquer la prépondérance des légendes diluviennes. Voici leur théorie : durant la dernière période glaciaire, la mer Méditerranée et la mer Noire étaient des mers fermées. Suite au réchauffement climatique et à la montée des eaux, eut lieu au Pliocène (il y a 12000 ans env.) l’ouverture du détroit de Gibraltar, puis au Quaternaire (il y a 7000 ans env.) l’ouverture du chenal du Bosphore. Selon ces géologues, cette eau “s’abattit sur la mer Noire avec 200 fois plus de puissance que les chutes du Niagara” et le niveau marin monta de 15 cm/jour engloutissant ainsi les fermes côtières.
2.2.4. Déluge mésopotamien
Ce mythe s’appuierait sur une réalité observable : en effet, le Tigre et l’Euphrate sont sujets à des crues irrégulières (à la différence du Nil, par exemple), catastrophiques si certaines conditions sont réunies (neige abondante en amont sur le Taurus et le Zagros (chaînes montagneuses) associée à de fortes précipitations sur la Basse-Mésopotamie); de plus, le relief favorise ces crues, puisque les deux fleuves coulent dans des lits surélevés par la masse d’alluvions qu’ils charrient et puisque la Basse-Mésopotamie est excessivement plate. Les crues de ces fleuves devaient bel et bien ressembler à un Déluge, elles qui noyaient les individus, détruisaient les récoltes, les habitations et étaient ainsi à l’origine des famines et autres épidémies.
2.3. Interprétation subjectiviste
2.3.1. Symbolique de l’eau
L’élément aqueux, l’eau, telle qu’elle est représentée dans le Déluge, est ambivalente, car à la fois dangereuse et bienfaisante, à la fois destructrice et créatrice, symbole de mort et de vie. D’une part, l’eau annihile “tout ce qui possède un souffle de vie” (cf. la Bible), elle nettoie le monde terrestre devenu impur en raison des fautes humaines -> fonction purificatrice/cathartique; mais d’autre part, en tuant ce mal, l’eau permet à la vie humaine de durer (au travers des survivants : Noé, Outa-Napishtim, Deucalion, etc…), elle lave, abreuve, féconde à nouveau la Terre -> fonction régénératrice (dans la mythologie grecque, le Ciel Ouranos qui couvre la Terre Gaïa la féconde en faisant pleuvoir : cette pluie porte les semences de leur union). En définitive, il faut rappeler que tout organisme vivant, l’homme compris, a besoin d’eau pour vivre.
2.3.2. Interprétations théologiques et philosophiques
Selon la perspective théologique, le Déluge est un châtiment divin; les fautes des hommes se ramènent à une seule : ils se sont crus égaux aux dieux ! Il s’agit donc d’un châtiment lié à l’orgueil; en ce sens, le Déluge devient un mythe moralisateur destiné à montrer aux hommes le risque qu’ils encourent si la société se mettait à se pervertir, car les forces de destruction sont susceptibles de se manifester à nouveau. Ce mythe inaugure un nouveau mode de relation au divin mettant fin à l’ancienne opposition entre les dieux et les hommes (cf . Ancien Testament) et propose un nouveau modèle fondé sur la piété et le respect des dieux (cf. Nouveau Testament). Suivant d’autres explications, ce mythe a pour but de fournir une explication théologique à la brièveté de la vie humaine ou aux grandes catastrophes historiques. Selon la perspective philosophique, le Déluge fait partie d’un cycle qui comprend une alternance de destruction et de renaissance de l’humanité, à l’image de l’alternance du jour et de la nuit ou de la succession des saisons. Ce sentiment de retour est lié à l’idée d’évolution progressive ou régressive, d’un nombre limité d’âge du monde dont les étapes sont déclenchées par un cataclysme. Le retour quasi éternel du cataclysme a pu correspondre dans l’Antiquité à une réaction contre l’horreur de l’infini.
2.3.3. Interprétations psycho- et sociologiques
Il existe plusieurs interprétations d’origine freudienne, voici les plus intéressantes : Selon une première théorie, le mythe illustrerait les deux étapes fondamentales dans les commencements de l’être humain : le stade prénatal vécu comme un état de béatitude et le traumatisme de la naissance (l’arche symbolise souvent la naissance ou plutôt la gestation). Selon une seconde théorie, le mythe illustrerait le “conflit” qui oppose l’homme à toute forme d’autorité (par exemple : l’enfant face à l’autorité parentale, l’homme face aux dieux, à l’autorité des Anciens, etc…); or, face à cette autorité, l’homme, en situation de faiblesse, développe une inquiétude, une angoisse (collective), un sentiment de culpabilité; finalement, l’idée qu’il est un être déjà châtié l’aide à surmonter ce sentiment obscur de honte; le mythe est là pour pallier la névrose ! Selon une troisième théorie, le Déluge est comme un rite d’initiation grâce auquel l’enfant devient adulte, toute l’humanité se sent sauvée, de telle sorte que son existence est légitimée. Le baptême chrétien est comme une reproduction rituelle du Déluge : à une mort initiatique fait suite une renaissance spirituelle; de même, le Déluge peut être considéré comme le baptême de l’humanité lavée de tous pêchés. Selon une dernière théorie, le Déluge serait une projection cosmogonique à la fois du flux séminal et d’un déversement du liquide amniotique, exprimant ainsi le désir inconscient de grossesse masculine propre aux sociétés patriarcales; le mythe remplace de manière symbolique l’incapacité du “mâle” à enfanter !
3. L’Atlantide
3.1. Généralités
3.1.1. Platon (428-348 av. J.-C.) : le Timée et le Critias
Le premier auteur citant l’Atlantide est le philosophe athénien Platon dans deux de ses oeuvres, le “Timée” et le “Critias”. D’après le “Timée”, vers 600 av. J.-C., un prêtre égyptien rapporta à Solon (législateur athénien quasi mythique) le récit de la lutte victorieuse menée 9000 ans plus tôt par Athènes contre l’Atlantide. Le “Timée” situe cette île nommée Atlantide “de l’autre côté des colonnes d’Hercule” (aujourd’hui détroit de Gibraltar) en plein Océan, et la décrit comme “plus grande que la Libye et l’Asie réunie”. Mais, à la suite d’une défaite, cette civilisation orgueilleuse est noyée sous les flots. Le “Critias” aborde le thème atlante de manière plus fouillée : il retrace les grandes grandes étapes du développement de cet empire maritime; grossièrement décrite, l’Atlantide semblerait être un vrai paradis sur Terre (abondance de la faune et de la flore, de métaux précieux dont le fameux orichalque), mais la vertu de ses habitants ne résista pas aux désirs grandissants de pouvoir, leur sentiment religieux diminua, ils se lancèrent dans une guerre impérialiste et furent châtiés par Zeus, le roi des dieux olympiens.
3.1.2. Le mythe et la postérité
A la suite de Platon, d’autres auteurs perpétuèrent le souvenir de ce mythe en l’utilisant parfois à des fins politiques et/ou idéologiques : il joua le rôle de mythe fondateur des identités nationales, il servit à légitimer les politiques impérialistes et la colonisation (exemple : un certain Berlioux légitimait la colonisation française du Maghreb en prétendant que ce pays appartenait auparavant aux Atlantes, lointains ancêtres des…Français ! L’invasion se transformait ainsi en retour aux sources !). Toutefois, LA question fondamentale qui mobilisa le plus l’attention des auteurs est celle de la localisation de l’Atlantide. Reste à savoir si l’Atlantide n’est rien de plus qu’une fiction politique trop parfaite (inventée de toute pièce par Platon) ou bien l’écho affaibli d’une réalité historique !
3.2. Interprétation objectiviste
Platon localise l’Atlantide en plein océan Atlantique; or, les études bathymétriques (par sonars ou satellites), géologiques et archéologiques de cet océan n’ont révélé ni effondrement, ni épave immergée de continent, ni vestiges d’une civilisation engloutie, ni matériaux détritiques dans les stratifications des fonds de l’océan central (mais exclusivement des sédiments carbonatés issus de la décomposition d’organismes aquatiques).
3.2.1. Mouvements tectoniques, glaciations et alii
Si Platon avait tout de même vu juste, voici les manifestations naturelles propres à susciter un tel cataclysme :
–Mouvements tectoniques ayant entraîné une élévation du niveau océanique ou un affaissement de l’île (cf. exemple des Pays-Bas en baisse continue); toutefois, cette descente de terres n’a rien de catastrophique, quelques millimètres par an seulement.
–Fonte des glaces responsable d’une élévation des eaux d’une centaine de mètres; toutefois, la vitesse de progression de ces eaux fut de quelques millimètres par an.
–Chute d’une météorite/collision de la Terre avec un astéroïde : assez peu probable, car événement rarissime, pas assez puissant pour creuser une fosse océanique, pas de traces de cratère au fond de l’océan.
–Tremblement de terre/séisme survenu au bord de l’océan, submergeant ainsi un territoire important; mais, aucun séisme ne peut faire s’enfoncer une île dans les abîmes océaniques.
–Raz-de-marée provoqués par des séismes sous-marins ou des éruptions volcaniques sous-marines ou proches de la mer.
3.2.2. Hypothèse “Santorin”
Santorin (anciennement appelée Théra) est le nom d’une île et d’un archipel grec des Cyclades ayant connu et connaissant toujours une forte activité volcanique : en effet, cette zone est à la charnière de deux grandes plaques (plaque africaine et celle de la mer Egée). Aux environs de 1500 av. J.-C., une extraordinaire explosion pulvérisa l’île; sa partie centrale s’effondra, formant une caldeira de 83 km2; par la suite, les éruptions de laves créèrent deux petites îles au centre de cette même caldeira. Fort de ces renseignements, un archéologues grec, Spiridon Marinatos, émit en 1939 deux hypothèses : primo, l’éruption du volcan et ses effets auraient causé le déclin de la civilisation crétoise/minoenne; secundo, Santorin serait la mythique Atlantide de Platon. Les deux principaux arguments sur lesquels S. Marinatos basait ses hypothèses sont rejetés par les études scientifiques actuelles. L’archéologue surestime la puissance de l’explosion volcanique; celle-ci aurait selon lui engendré un raz-de-marée dévastateur d’au moins 200 m de hauteur, ce que les volcanologues remettent aujourd’hui en question : en effet, l’observation des couches volcaniques montre que l’effondrement du dôme a duré des semaines, voire des mois; ainsi, l’événement a donné peut-être lieu à une vague de quelques mètres de hauteur, mais aucun tsunami. Si le déclin de la civilisation crétoise a bien eu lieu dès 1450 av. J.-C. (preuves archéologiques), l’éruption daterait de 1645 env. ou 16281626 av. J.-C., soit un siècle et demi plus tôt ! Par ailleurs, selon les archéologues, cette civilisation n’a pas disparu en raison de l’éruption, mais en raison des invasions mycéniennes. Pour information, il faut savoir que cette éruption du volcan de l’île Santorin a souvent été mise en relation avec les récits bibliques : en effet, cet événement expliquerait pour certains le mythe du Déluge, les sept plaies d’Egypte, le retrait de la mer Rouge (épisode de l’exode des Juifs guidés par Moïse) et la destruction de Jéricho !
3.3. Interprétation subjectiviste
3.3.1. Lecture politique, philosophique et moraliste
Pour certains, Platon ne pensait pas en termes de “sources” (historiques), mais en termes de modèles (philosophiques). Dans le “Timée” et le “Critias”, le philosophe présente deux univers antithétiques : l’Atlantide, c’est le monde de l’altérité, car à la fois sur mer et sur terre, une puissance maritime qui conduit aux mutations politiques, au commerce, à l’impérialisme; en somme, l’Atlantide incarne les forces mauvaises, l’injustice. Au contraire, l’Athènes primitive, c’est le monde de la permanence, une puissance terrestre; sa victoire sur l’Atlantide est celle de la raison, de la mesure par rapport à un monde barbare engendré par le chaos. A travers cette fable, Platon fait le procès du matérialisme et de ses valeurs. L’Atlantide est une création humaine, donc imparfaite et orgueilleuse, donc elle se doit d’être châtiée. Or, l’Athènes contemporaine de Platon n’est plus l’Athènes primitive vertueuse; elle devient progressivement une seconde Atlantide. L’allusion est claire; Platon lance un cri d’alarme à ses contemporains : si Athènes continue dans la voie de la démesure et de l’avidité hégémonique, elle court à sa perte ! Au-delà du cadre athénien spécifique, Platon nous propose une leçon de morale générale : on ne peut servir deux maîtres, l’argent et la vertu. L’homme doit choisir la bonne voie, sinon… Celui qui préférera la partie mortelle de son être plutôt que la partie divine connaîtra l’exclusion du paradis, la chute et le malheur (cf. mythe d’Icare).
Bibliographie
BERGE (F.), «Les légendes de Déluge», ds: Histoire générale des religions, 1951, vol. V, pp. 59-101
BOURA (O.), Les Atlantides. Généalogie d’un mythe, Paris, Arléa, 1993, 333 p. Ouvrage de base; après une présentation succincte de l’historiographie liée au mythe, l’auteur offre un florilège de textes-clés, représentatifs de la plupart des théories classiques sur l’Atlantide (de Platon à P. Benoît, de la veine “antique” à la veine “poétique et romanesque”).
COUSTEAU (J.-Y.) & PACCALET (Y.), A la recherche de l’Atlantide, Paris, Flammarion, 1981, 302 p.
DROZ (G.), «L’Atlantide», ds: Les mythes platoniciens, Paris, éd. du Seuil, coll. Points, 1992, pp. 177-185 Extraits du Critias et du Timée suivis d’une brève interprétation; l’auteur abonde dans le sens donné au mythe par P. Vidal-Naquet.
DUCHENE (H.), «L’éruption de Santorin», ds: L’Histoire, 178, juin 1994, pp. 8-14 Etat de la question réfutant notamment l’hypothèse de S. Marinatos selon laquelle l’Atlantide coïncide avec Santorin.
GERARDIN (L.), L’Atlantide et les Déluges, Paris, éd. Dervy, 1999, 268 p. Synthèse d’un amateur plus ou moins éclairé; malgré une rédaction et des digressions maladroites, cet ouvrage, fort bien documenté (cf. sa bibliographie), donne l’état de la question le plus récent en langue française (année 1999); concernant l’Atlantide, l’auteur cautionne l’hypothèse “Transgression glaciaire” (réfutée par I. Rezanov notamment).
LOHMANN (H.), «Die Santorin-Katastrophe – ein archäologischer Mythos ?», ds: Naturkatastrophen in der antiken Welt. Stuttgarter Kolloquium zur historischen Geographie des Altertums 6, 1996, Stuttgart, Franz Steiner Verlag, coll. Geographica Historica (10), pp. 337-363 Etude géologique et archéologique qui ambitionne de mieux caractériser l’éruption qui ravagea cette île des Cyclades (mise au point sur la datation et l’ampleur du phénomène) (article abordant le même thème que celui de H. Duchêne, mais plus fouillé).
LUCE (J. V.), L’Atlantide redécouverte. Théories nouvelles sur une légende ancienne, traduit de l’anglais par A. Ravaute, Paris, Tallandier, 1969, 223 p.
REZANOV (I.), «La disparition de l’Atlantide» et «Y a-t-il eu déluge ?», ds: Les grands cataclysmes de l’histoire de la terre, traduit du russe par O. Pitchouguine, Moscou, éd. Mir, 1985 (2e éd.), pp. 189-215 Bonne synthèse d’un spécialiste des sciences de la Terre; elle offre un panorama de tous les processus géomorphologiques ayant pu être à l’origine de la disparition de l’Atlantide (si tant est qu’elle ait existé !); l’auteur cautionne l’hypothèse “Santorin” (réfutée par H. Duchêne et H. Lohmann); le chapitre consacré au thème diluvien présente toutefois moins d’intérêt.
ROUYET (F.), Deucalion et la commémoration du déluge à Athènes, mémoire de licence dirigé par C. Calame, UNIL-IAHA, juin 1999, 67 p. Etude approfondie des sources littéraires spécifiques aux traditions diluviennes grecques (adaptation du mythe au contexte athénien).
VIDAL-NAQUET (P.), «Athènes et l’Atlantide. Structure et signification d’un mythe platonicien», ds: Le chasseur noir. Formes de pensées et formes de société dans le monde grec, Paris, éd. La Découverte, 1991 (3e éd.), pp. 335-360 Etude d’un célèbre historien de l’antiquité grecque; quant au récit platonicien, l’auteur y voit non pas l’oeuvre d’un historien dissertant sur une réalité passée, mais celle d’un philosophe proposant un modèle moralisateur : l’Atlantide et l’Athènes impérialiste du Ve siècle av. J.-C. ne sont qu’une seule et même cité. La destruction finale de l’île sonne comme une mise en garde adressée aux contemporains du philosophe.
COLLECTIF, «Le Déluge. Les textes et les données archéologiques», ds: Dossiers d’Archéologie, 204, juin 1995, 76 p. Treize articles (écrits par des historiens) essentiellement sur les déluges biblique et babylonien.