Raêl

Depuis sa «rencontre» en 1973 avec une soucoupe volante, Claude Vorilhon, rebaptisé Raël, diffuse la «parole» extra-terrestre : la vie humaine est une création scientifique.

“Avec Raël et Boisselier, c’est un peu trop mystique et pas assez scientifique.» Gregory Pence, expert favorable au clonage reproductif, université de l’Alabama ans le musée du Centre Ufoland de Valcourt, au Québec, les visiteurs peuvent admirer une soucoupe volante couleur acier, d’environ sept mètres de diamètre. Un peu plus loin, Claude Vorilhon reçoit en combinaison blanche avec un pendentif autour du cou. A tous ceux qui l’ont rencontré, ce Français, né à Vichy en 1946, raconte la même histoire. Comment, le 13 décembre 1973, il a vu atterrir une soucoupe volante (UFO) tout près de Clermont-Ferrand, au cours d’une randonnée dans le cratère d’un volcan d’Auvergne. En est descendu un extraterrestre avec une grosse tête, les yeux en amande et le teint jaunâtre. Ce dernier a alors expliqué que la vie sur Terre n’avait pas grand-chose à voir avec les thèses darwiniennes sur l’évolution, mais que les humains avaient été créés, à partir de l’ADN, par un peuple interstellaire des plus sophistiqués, les Elohim (1). L’extraterrestre a ensuite rebaptisé Claude Vorilhon Raël et lui a demandé de faire passer son message sur Terre, en y implantant une «ambassade». Ce sera le Centre Ufoland, créé en 1997.

Du chanteur pop au prophète ;

Avant de s’imposer sur la scène «ufologique», Claude Vorilhon avait tenté de percer dans la chanson. Il se faisait appeler Claude Celler et avait enregistré deux disques où il chantait le Miel et la cannelle, Mon amour Patricia ou encore Sacrée sale gueule. Il s’était aussi essayé à la course automobile avant de chroniquer ce sport dans un éphémère magazine baptisé Autopop.

La fable de Claude Vorilhon n’aurait sans doute pas intéressé grand monde, si celui qui se désigne lui-même comme un prophète n’avait pas décidé de suivre la voie de ses amis «créateurs» extraterrestres grâce aux progrès de la science. Tout en établissant Ufoland, Raël a ainsi mis sur pied en 1997 une société du nom de Clonaid, dont le but avoué est de réaliser des clonages humains. Depuis cette date, Clonaid fait part de ses progrès de façon régulière à la presse. Le 20 décembre dernier, sa directrice et membre de la secte raélienne, la Française Brigitte Boisselier (lire page 4), a ainsi à nouveau garanti «la première naissance, d’ici deux semaines, du premier bébé cloné de l’histoire». Elle ajoutait que le bébé ­ une fille ­ serait en réalité le clone de sa mère porteuse, et elle s’engageait à en fournir la preuve «grâce à des prélèvements d’ADN».

Pour de nombreux experts, les annonces à répétition de Clonaid ressemblent toutefois à une série de coups publicitaires, dans ce qui a l’air d’une course au clonage humain lancée avec le professeur italien Severino Antinori (lire page 2), qui a, de son côté, annoncé une naissance pour janvier 2003.

Des laboratoires vétustes ;

Les spécialistes mettent aussi en doute les qualifications de Brigitte Boisselier, qui est une chimiste, mais n’a pas de formation en biologie génétique. En 2001, par exemple, elle avait expliqué au New York Times que Clonaid travaillait au clonage d’un bébé mort. Les parents du bébé avaient largement financé les travaux de laboratoire. Depuis, cependant, aucune information n’a été fournie sur l’avancée de l’expérimentation. De même, un peu plus tard, les raéliens ont dit avoir prélevé de l’ADN sur un malade en phase terminale pour entreprendre son clonage. Là encore, sans livrer d’éléments ultérieurs sur la suite de la procédure.

En réalité, au sein de la communauté scientifique, le «mystère» qui entoure Clonaid et les raéliens ne sert pas vraiment la crédibilité du mouvement. Jamais par exemple Raël et Boisselier n’ont accepté de faire visiter leur laboratoire ni de révéler l’identité des «dizaines» de mères porteuses qui se seraient portées volontaires pour leurs expériences. Depuis l’opposition affichée par George W. Bush au clonage humain au début de l’année, on sait seulement que les naissances à venir se feront hors des Etats-Unis, peut-être en Amérique du Sud. Un entretien prévu entre Brigitte Boisselier et Libération a par ailleurs été annulé à la dernière minute…

«C’est sûr, Severino Antinori a plus de qualifications que les raéliens pour arriver à ses fins», explique Gregory Pence, un expert du clonage reproductif (et favorable à celui-ci), de l’université de l’Alabama. «Avec Raël et Boisselier, c’est un peu trop mystique et pas assez scientifique. Il y a quelque temps, Boisselier a présenté des images de son précédent laboratoire. Il s’agissait de locaux vétustes dans un vieux collège désaffecté perdu dans les Appalaches, avec un équipement des plus primaires. On avait l’impression de gens qui ne savaient pas ce qu’ils faisaient ou qui essayaient de duper tout le monde.»

Libre pensée et amour libre ;

Raël, en tout cas, revendique un mouvement de 55 000 membres dans 84 pays. En l’an 2000, lors d’une journée d’ouverture d’Ufoland au public, des dizaines de milliers de personnes ont fait la queue afin de pouvoir contempler la copie de la soucoupe volante de Clermont-Ferrand. Le «prophète» organise également des séminaires pour lancer une «révolution humaine» de la libre pensée. Il y évoque la possibilité d’établir un paradis sur Terre, qui accueillerait tous les non-conformis tes. Entre au tres choses, les raéliens font la promotion de l’amour libre et n’obligent personne à porter des vêtements lors de leurs rassemblements. Sur une vidéo de son site web, Claude Vorilhon incite ainsi tout le monde à venir vivre une «expérience sans pareille» et à passer une «superbe semaine» lors de ses stages. Le gourou explique en outre que ses amis extraterrestres n’ont aucune volonté d’envahir la Terre, et que sa mission au contraire est de faire en sorte que les humains les accueillent pacifiquement un jour ou l’autre. Lui ne serait que leur messager de paix et de fraternité. Selon sa doctrine spirituelle, la Terre devrait disparaître lors d’une guerre atomique mondiale, mais les Eholim seraient prêts à intervenir pour sauver certains «êtres exceptionnels», notamment les êtres clonés.

En mars 2001, Brigitte Boisselier était allée à Washington pour essayer de convaincre le Congrès américain du bien-fondé de ses travaux sur le premier bébé cloné. «Comment un bébé qui n’est pas encore né peut-il engendrer tant de peur sur la planète et dans ce pays ?, s’interrogeait-elle. Pourquoi est-il présenté comme un monstre, et pourquoi sommes-nous, à Clonaid, regardés comme des monstres ?» Et l’«évêque» raélienne d’en appeler à «la liberté de la recherche scientifique».

Procès pour pédophilie :

En France, le mouvement raélien compte rait un peu moins d’un millier d’adeptes. Il serait actuellement en «perte de vitesse», selon un officier du renseignement, pour qui l’annonce du premier clone humain «apparaît comme un coup médiatique, sans fondement réel, destiné à faire rebondir la secte» en choisissant une période chargée de symboles, celle de la Nativité.

Les Renseignements généraux français s’intéressent depuis plus de vingt-cinq ans à la secte, dont la réputation a été aggravée par des accusations de pédophilie parmi les adeptes de la liberté sexuelle. En 1997, la cour d’assises du Vaucluse a condamné deux hommes accusés d’avoir abusé d’une fillette au cours d’une réunion du mouvement raélien. En 2002, la cour d’appel de Lyon (Rhône) a condamné à des peines de dix-huit mois de prison, ferme ou avec sursis, quatre mem bres du mouvement raélien reconnus coupables de «corruption de mineures», pour avoir imposé des relations sexuelles à des adolescentes de 15 ans.

Le mouvement raélien a répliqué en créant Nopedo, association pour la dénonciation des prêtres catholiques pédophiles, dans plusieurs pays européens. Des tracts demandant aux parents «de ne plus envoyer leurs enfants au catéchisme» ont été diffusés dans plusieurs villes de France au printemps 2001. L’évêque de Metz a obtenu, en novembre dernier, la condamnation d’un adepte raélien ayant distribué ces tracts, pour «provocation à la discrimination».

(1) Raël assure que le mot «Elohim», qui se traduit par «Dieu» en hébreu, signifie en réalité «ceux qui sont venus du ciel».

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