La réincarnation, mythe ou réalité ? (1ere partie)

Je vous présente un texte (pourquoi réécrire ce qui est si bien fait) auquel j’adhère totalement tant c’est conforme à ma pensée et à mon expérience, c’est tiré d’une magnifique mais défunte revue Occulture #9. J’espère que vous apprécierez. C’est en deux parties.

Cristal

La réincarnation, mythe ou réalité ?
Claude-Gérard Sarrazin
Première partie

Les ouvrages et les articles traitant de la réincarnation se multiplient. Si les libraires proposent autant de livres sur un sujet jadis tabou dans nos pays chrétiens (par tradition) et rationalistes (par éducation), c’est que les lecteurs s’y intéressent de plus en plus nombreux.

Certains de ces ouvrages sont consacrés à des biographies ou à des autobiographies mettant en scène une ou des personnes rapportant des souvenirs de leurs incarnations dans des corps différents en des lieux variés et à des époques diverses. D’autres ouvrages traitent le sujet sous forme d’étude, d’historique ou d’essai critique, sans oublier les écrits fustigeant cette croyance archaïque.

Cet intérêt — cet engouement ? — pour la réincarnation est-il récent’

Non, évidemment. En Orient, on ne s’y “intéresse” pas, tout comme chez nous on ne s’“intéresse” pas à l’hygiène; ce qui va de soi, ce qui coule de source, ce qui fait partie du décor ne se voit plus; on le vit sans même y réfléchir, sans prendre de recul. En Occident, à l’époque où régnait la culture grecque (jusqu’aux premiers Chrétiens inclus), on croyait tout autant à la réincarnation.

Grosso modo, l’Orient “croit” à la réincarnation et l’Occident “n’y croit pas”. Les érudits occidentaux “démontrent” que la réincarnation est une légende. Les amateurs d’exotisme parlent de la réincarnation en termes si fantaisistes que leurs ennemis n’éprouvent aucune peine à réfuter tous leurs arguments.

Même en Occident, les penseurs se partagent entre ceux “qui croient à la réincarnation” et ceux qui “n’y croient pas”.

En fait, la croyance personnelle n’a d’importance que pour la vie de celui qui croit; elle ne modifie en rien les réalités, encore moins les réalités d’ordre cosmique. Enfant, j’ai cru au Père Noël. Cette croyance déterminait évidemment certains de mes actes quotidiens.
L’exemple vient de loin et de haut: les religions, du moins en Occident , dans leurs enseignements exotériques, ne parlent que de foi, jamais d’expérience.

Il nous faudra donc tenter de démontrer, de prouver, sans trop manier l’argument d’autorité.

L’ultime moment

Pour comprendre le processus de la réincarnation, il nous faut réfléchir sur les derniers instants, le moment crucial où l’Individu va abandonner son écorce physique.

Tournons nos regards vers les expressions profanes: l’enseignement exotérique (pour le profane) cache souvent des vérités qu’il faut décoder; l’enseignement ésotérique doit se lire à un autre niveau.

Le chrétien (premier niveau de lecture) disent en parlant d’un être cher qui vient de mourir “ Le Seigneur l’a rappelé à Lui”. Première contradiction: le chagrin autorisé, les signes de deuil, la messe des morts… Si l’être aimé est près du Seigneur, pourquoi pleurer’ Peut-être l’être intérieur de ceux qui restent tente-t-il d’exprimer ce qu’il sait et sent… Nous allons préciser en auscultant un deuxième enseignement profane: “Il a rendu son âme à Dieu”. Alors, qui reste là, dans le cercueil, au milieu des fleurs, participant à une cérémonie funèbre’

L’enseignement de la Tradition est simple: l’agrégat (l’adhara) “a rendu son centre divin de coagulation aux Puissances divines”. Le centre immortel quitte le corps et laisse là le reste de l’agrégat. On peut dire que “le Seigneur l’a rappelé à Lui”, puisque ce centre remonte dans son plan lumineux où tout est immortel.

Que reste-t-il pour assister à la cérémonie funèbre’ Tout le reste de l’agrégat provisoire. La dépouille contient encore les autres coagulations et le nouveau mort assiste à la cérémonie, parfaitement conscient, sauf parfois s’il est mort accidentellement (les coagulations ont été dispersées et ne pourront reconstituer un agrégat qu’à l’aide d’une puissance particulière).

Le processus de désintégration partielle ou totale ne commence que plus tard; d’où la tradition des veillées funèbres et des rites étalés sur plusieurs jours. Nous y reviendrons plus loin.

Mais, selon le dogme populaire, cette âme est créée tout exprès pour UN corps unique. Elle ne peut donc évoluer. Toujours selon cet enseigne-ment exotérique, le Créateur construit des âmes sur mesure, en relation avec le niveau d’évolution de l’humanité-espèce. On peut alors se demander QUI détermine cette évolution collective. L’individu évolué n’a donc aucun mérite puisqu’il est né au bon moment. Ce Créateur plonge des âmes dans la matière, dans laquelle elles vivent ce que vivent les gouttes de rosée, et remontent au Ciel ou s’enfoncent en Enfer. Étant donné qu’aujourd’hui il naît trois enfants à la seconde sur la Terre (environ 250 000 par jour) et qu’il s’agit de nouvelles âmes, et que l’humanité existe depuis au moins un million d’années, même en admettant une natalité plus tranquille avant la folle accélération de notre siècle des Lumières, le Ciel et l’Enfer doivent être surpeuplés d’âmes qui n’évoluent pas… qui n’ont jamais pu évoluer, qui stagnent comme une collection de timbres classés par époque.

Étrange Créateur qui ne se lasse pas de fabriquer ces milliards d’âmes non évolutives, et qui laissera les guerres mondiales mettre un peu d’ordre dans les rangs trop serrés des corps-réceptacles et augmenter rapidement sa collection de timbres non rares.

À quoi sert donc ce court voyage dans la matière ? L’âme plonge dans la vallée de larmes, apprend à souffrir, quitte la Terre et s’ajoute à la collection de timbres qui chantent, pour les siècles des siècles, les louanges du Collectionneur impénitent.

Le Centre divin individuel

Les initiés de l’Antiquité tout comme ceux d’aujourd’hui apprennent que, justement, le Suprême a placé, au cœur de chaque être, une étincelle évolutive, immortelle et divine, le psychique. Cette étincelle grandit, s’individualise, devient peu à peu à l’image de Dieu (“le Christ en nous” selon les enseignements chrétiens) au cours des vies successives, car ce psychique ne peut passer de l’état de simple étincelle divine à l’état d’être parfait en une seule vie, fût-elle prolongée jusqu’à deux ou trois cents ans.

Le psychique d’un homme des débuts de l’humanité ne pouvait, après la mort du corps et de la personne qui l’habitait, “retourner à Dieu” et chanter Ses louanges: il n’était encore qu’un embryon. Tout comme un embryon physique ne peut chanter les louanges de ses parents ou de Dieu, le psychique embryonnaire se contente d’être.

L’individu commence sa vie sous la forme d’une cellule unique (union du spermatozoïde et de l’ovule) puis devient fœtus avant de naître bébé, les psychiques “naissent” sous forme de simple cellule divine avant de grossir sans pouvoir influencer immédiatement la destinée de leurs porteur humain .

Un psychique évolue, il est “à l’image de Dieu”, donc sans ego, sans orgueil, sans vanité, sans ombre. L’être qui l’exprime, l’homme d’aujourd’hui, n’a encore rien fait pour mériter ce psychique, il n’en est que le véhicule inconscient.

Tels sont, brièvement, les enseignements de la Tradition, que nous expliciterons plus loin. Demandons-nous plutôt si la croyance en la réincarnation est récente chez nous: les Cathares y croyaient (ou en avaient l’expérience). Après des siècles de christianisme exotérique, en Europe, on professait encore la doctrine réincarnationiste.

Et aujourd’hui ?

Comment alors situer le Christianisme parmi les grandes Traditions ? Officiellement, point de réincarnationistes en Occident. Cependant, divers sondages montrent que 22% des Européens croient à la réincarnation. Les sondages ne précisent pas dans quel genre de réincarnation croient ces Occidentaux. Un Européen sur cinq au moins… C’est beaucoup, après tant de siècles d’interdiction.

Des sondages plus récents précisent:

“24 % des Français adhèrent à l’idée des “vies multiples” (21 % pour l’ensemble des populations européennes). Ce pourcentage passe à 34 % chez les catholiques pratiquants convaincus, croyant à un Dieu personnel, et âgés de dix-huit à quarante-quatre ans. Une enquête encore plus surprenante, concernant les 18-24 ans, montre que 43 % des jeunes catholiques français croient à la réincarnation.”
C.G. Jung parlerait de l’Inconscient collectif; la Tradition parle du Mental collectif et du souvenir confus des expériences antérieures.
Il est probable (j’en suis convaincu, sans évidemment pouvoir le démontrer) que les premiers chrétiens recevaient deux enseignements différents, comme cela se pratiquait normalement dans l’Antiquité:

— L’enseignement ésotérique destiné, en principe, à un groupe choisi dont chacun des membres est capable, par une préparation adéquate, de mettre en pratique les vérités révélées par le dispensateur de l’enseignement. Il n’est pas question de curiosité, d’intérêt, mais de capacité (le petit nombre).

— L’enseignement exotérique destiné à tous; les vérités essentielles s’y retrouvent, mais elles se dissimulent derrière des symboles, des paraboles, des mots à double sens, afin que chacun saisisse selon son niveau d’évolution. La véritable justice est satisfaite: le même enseignement est donné à tous mais chacun reçoit selon sa préparation, les mystères ne sont pas révélés à ceux qui ne peuvent les recevoir.

Auparavant ?

La lecture au premier niveau (lecture littérale; “selon la lettre”, dirait saint Paul) des grands textes risque de conduire à des impasses sinon à ce que René Guénon appelle la contre-initiation. Faut-il, sur la pointe des pieds et en chuchotant, mentionner que bien des textes publiés en Occident, qu’ils soient “pour” ou “contre” la réincarnation, se contentent de cette lecture profane (ou profanatrice)?.
Les textes anciens ne peuvent se lire ainsi. Celui qui savait encore tout, Plutarque, nous prévient.

Comme Platon, comme tous les Anciens initiés (pas seulement en Grèce; Égypte et Inde entre autre), Plutarque s’exprime parfois en mythes, pour ne pas révéler ce qui est réservé aux initiés et aux initiables. Il ne s’en cache pas:

“Rien n’est aussi spécial à la philosophie pythagoricienne que l’usage des symboles, tels que ceux qu’on emploie dans la célébration des Mystères. C’est là une manière de parler qui tient à la fois du silence et du discours… Ce qui se dit est très clair et très évident, pour ceux qui sont accoutumés à ce langage; c’est pour les ignorants qu’il est obscur et inintelligible. Le sens apparent de ces symboles n’est pas le véritable, mais il faut y chercher celui qu’ils semblent recouvrir.”

(Plutarque, Isis et Osiris, Guy Trédaniel, 1987, p. 47)

“Ainsi donc, toutes les fois que tu entendras ce que la mythologie égyptienne raconte sur les dieux […] il faudra te souvenir de ce que nous savons déjà dit, et ne point croire que tout cela soit arrivé et se soit passé de la façon qu’on le rapporte.”
(Ibid. pp. 49-50)

Tout ou presque est dit. Et l’on persiste à rappeler que tel dieu, muni de cornes ou d’une queue, que… Et on en conclut que la réincarnation…

Le Tibet

Deux films admirables traitent sans bafouillages de la réincarnation: Sept ans au Tibet (de Jean-Jacques Annaud) et Kundun (de Martin Scorsese). Dans les deux cas, il s’agit avant tout de la vie de l’actuel Dalaï Lama.

L’espace manque pour parler longuement des tulkus, ces lamas réincarnés dans des enfants (et pas toujours au Tibet maintenant!). On pourra lire, entre autre, L’enfant lama et Enfants de la réincarnation, de Vicki Mackenzie, parus aux Éditions Laffont et, bien entendu, des auteurs qu’on ne peut suspecter d’amateurisme comme Alexandra David-Neel et son fils adoptif le Lama Yongden (Le lama aux cinq sagesses, la vie d’un lama réincarné, Plon) ou Thoubten Jigme Norbou, le frère du Dalaï Lama, et l’anthropologue Colin M. Turnbull (Le Tibet, où l’on voit la découverte des tulkus enfants, Stock). Officiellement, théologiquement, le bouddhisme ne parle que la dissolution de l’agrégat.

Quant à l’Inde, on se contentera, si l’on est pressé, de la Bhagavad Gita.

L’héritage juif

Les Grecs croyaient à la réincarnation (au premier niveau de lecture, leurs enseignements seraient plutôt étranges); ne parlons pas de l’Orient. Et les juifs ?

Oui, du moins ceux qui s’intéressent à la métaphysique.

“C’est une partie du judaïsme normatif des cinq cents dernières années […] Depuis les cinq cents dernières années, il y a cependant une vision du judaïsme théologique globalement admise, dont fait partie cette croyance sur la transmigration de l’âme. Il y a mille ans ou plus, des discordes existaient à son sujet. Aujourd’hui, elle est plus ou moins bien acceptée […] par les juifs qui entretiennent un rapport à la Kabbale, et ont un lien plus profond au judaïsme. […] Les orthodoxes modernes n’y connaissent vraisemblablement rien, et ne se sentent pas concernés. […] Rares sont ceux qui connaissent la transmigration des âmes. […]

La Kabbale […] étant la théologie juive officielle, quoique la plupart des gens n’en connaissent presque rien. Ces notions sont apparentées à l’univers kabbalistique. […]

“Le livre des transmigrations” est un des écrits de base de la Kabbale. Il n’a pas vraiment été rédigé, car le rabbin Isaac de Luria n’écrivait pas, il dictait à ses disciples. La plupart des gens naissent avec une âme déjà utilisée. Il y a très peu de nouvelles âmes. La plupart sont des âmes de réparation, des secondes âmes. Une personne naît avec une âme qui a déjà vécu, et elle est mue par cette âme dans certaines directions.”

Celui qui s’exprime ainsi n’est pas un profane; c’est le rabbin Adin Steinsaltz, du Centre d’études talmudiques, à Jérusalem.

De l’autre côté de la planète, à New York, un autre rabbin, Yonassan Gershom, est aussi précis:

“Les juifs hassidiques croient tout à fait à la réincarnation […]. J’ai moi-même de bonnes raisons de penser que j’ai été le fils d’un rabbin tué par balles dans un village d’Europe de l’Est […]

“Il poursuivit en me [l’auteur de l’ouvrage consulté] disant qu’Isaac Luria […] l’un des plus grands mystiques juifs, a enseigné la réincarnation, tout comme Israel ben Aliezer, connu sous le nom de Baal Shem Tov, fondateur du mouvement hassidique. […] Les juifs hassidiques, malgré leur apparence un peu rébarbative , se considèrent comme les mystiques, les voyants et les visionnaires de la religion juive. Pour eux, la réincarnation n’est pas qu’une simple idée; ils y croient fermement.”
(Mackenzie, V., Enfants de la réincarnation, Laffont, 1996, pp. 143-144)

L’Occident moderne

On enseigne presque partout la Kabbale… Quelle Kabbale’ Ainsi, l’Occident, qui se veut fils de la Grèce (pour le classicisme) et du judaïsme (l’Ancien Testament pour les sources théologiques), devrait logiquement être réincarnationiste. Mais les penseurs ont réussi à évacuer ces concepts fondamentaux au nom d’une logique révisionniste. C’était peut-être nécessaire à l’évolution collective.

Un occultiste occidental a-t-il transmis le bon flambeau ?

Son nom est connu de tous: Papus. De son véritable nom (profane) Gérard Encausse (1865-1916), président-fondateur de l’Ordre Martiniste. Papus faisait partie du groupe très actif des ésotérisants français au tournant du siècle (Chaboseau, Stanislas de Guaïta, Chamuel, Sédir, Marc Haven, Charles Barlet, Victor-Émile Michelet, Max Théon, etc.). Les ouvrages de Papus sont encore réédités et lus par d’innombrables lecteurs. Papus était profondément réincarnationiste; son célèbre ouvrage (La réincarnation, Dangles, [1912] 1981) le prouve d’abondance.
Christianisme et réincarnation

L’Occident est acculturé chrétien. Les Écritures chrétiennes nieraient-elles la réincarnation comme l’enseignement des catéchistes et comme le croient la chrétien bien élevé tout comme maints érudits plongés dans leurs lectures au premier niveau’

L’Occident (du moins les curieux pressés et les déçus de leur religion) s’est jeté sur la réincarnation comme il s’était jeté aussi sur un ersatz de hathayoga, passant totalement à côté de l’expérience authentique, et les charlatans abondent. Tentons d’étudier la réincarnation elle-même dans la Tradition chrétienne.

Nous constaterons — une fois de plus — que l’enseignement exotérique ne peut accepter la réincarnation tandis que l’enseignement ésotérique l’accepte depuis les débuts du christianisme.

Les documents officiels, tels que Les seize documents conciliaires, Vatican II, les Textes doctrinaux du magistère de l’Église sur la foi catholique pas plus que le Dictionnaire de la foi chrétienne ne parlent de la réincarnation.

Pour la Petite encyclopédie religieuse de Dom M.-F. Lacan, c’est “une doctrine hindoue”.

Pour la Nouvelle encyclopédie catholique Théo,
“Le christianisme, qui croit à l’unicité de la personne humaine (chaque homme est unique aux yeux de Dieu), et à son unité (la personne est tout à la fois corps et âme), exclut toute transmigration d’un corps à l’autre; et a fortiori dans des corps d’animaux. Chaque être humain a vocation à se trouver un jour, dans l’unité et la totalité de sa personne (corps et âme), pleinement uni à la personne du Christ, Dieu et Homme, et par lui à la vie divine trinitaire (sans pour autant s’y dissoudre).” (p. 895)

Puisque c’est “l’âme” qui se réincarne et non la personne-véhicule, encore faut-il définir cette “âme” car les défenseurs de la vraie foi “prouvent” que l’âme ne peut se réincarner.

L’âme des théologiens et doctrinaires chrétiens n’est pas le psychique. Car elle naît au moment de la conception; l’âme n’existe pas avant son union au corps.

Cette “âme”, impossible à définir en termes fonctionnels, ne peut se réincarner. C’est, grosso modo, tout ce qui n’est pas matériel dans la personne humaine, mais tout ce qui naît avec elle. Il est évident qu’une telle âme ne peut se réincarner. Elle est même détruite à la fin de la vie. C’est pourtant à son immortalité qu’il faut croire:
“En Orient comme en Occident, le principe de l’immortalité de l’âme s’est progressivement affirmé dans la plupart des religions. La matière dans l’homme, le corps, se dissout dans la mort; l’âme, l’esprit , ne meurt pas. […] Selon la conception biblique de l’homme, le corps et l’âme sont indissociables, car c’est l’homme tout entier qui a été créé à l’image de Dieu (Gn 1, 27). Aussi est-il appelé tout entier à l’immortalité.”
(La nouvelle encyclopédie catholique Théo, op. cit., p. 893)

Ce qui complique les choses, c’est que l’âme des théologiens survit à la mort du corps et accomplit son destin, car elle devient immortelle en entrant dans un corps mortel.

Il s’agit, peut-être, d’une conception née des approximations des premiers doctrinaires du christianisme, qui tentaient de “se situer” dans un contexte encore gréco-romain, contexte de décadence et non de classicisme d’ailleurs. Ils “savaient” que quelque chose était immortel, mais ne pouvaient définir ce quelque chose, et ils ne voulaient pas utiliser les concepts clairs de la philosophie grecque puisqu’ils tenaient absolument à s’appuyer sur l’Ancien Testament juif (qu’ils ne décodaient pas).

Les chrétiens des tout premiers temps, au contraire, étaient nourris de culture grecque, donc de philosophie grecque, et la Grèce croyait à la réincarnation, et ce processus était aussi évident que la naissance et la mort même si l’immense majorité des Grecs “avait bu l’eau de la source de l’Oubli”.

J’ai donc vainement tenté de découvrir une définition claire de l’âme en fouillant dans les interminables discours de saint Thomas d’Aquin. Je n’ai rencontré que savants raisonnements philosophiques, jeux de langage érudit. Que les admirateurs du thomisme me pardonnent ma totale imperméabilité. Je n’ai pour excuse que de n’être point le premier à ne rien comprendre. Dès le XVIIe siècle, le grand Blaise Pascal, dans ses Provinciales, fut beaucoup plus sévère que moi dans ses jugements.

Aussi ai-je tenté de trouver ma définition dans des ouvrages plus récents.

J’avoue ma surprise: toute la chrétienté parle de l’âme, de moyens pour “sauver son âme”, mais le terme n’est jamais défini avec précision.
Selon les dogmes reçus,
“l’âme de l’homme est spirituelle et immortelle, donc appelée à la récompense éternelle. Chaque âme humaine est individuelle et Dieu l’a créée immédiatement.”
(Textes doctrinaux du magistère de l’Église sur la foi catholique, p. 137).

Les prises de position des conciles ne précisent en rien cette définition générale. Les anciens conciles anathématisent divers théoriciens mais ne livrent rien de précis. Vatican II, le concile du XXe siècle, ne propose aucune définition de l’âme.

Comment alors les défenseurs de la vraie foi peuvent-ils condamner les tenants de la réincarnation s’ils ne peuvent définir l’âme dont ils parlent d’abondance’ Penseraient-ils que les réincarnationistes (les sérieux) croient que l’être extérieur, “monsieur Dupont”, se réincarne’

La pédagogie exotérique (pour la masse des fidèles, des profanes) fut forcée de remplacer la réincarnation par un autre processus de purification: elle remplaça donc la purification “karmique” et progressive au cours des vies successives par le Purgatoire. Les théologiens ne pouvaient, en toute logique, admettre que tout un chacun puisse passer de l’état de vague fidèle à celui de saint du seul fait de la mort du corps physique. Ils durent donc inventer le

Purgatoire.

La position catholique officielle est claire:
“Les définitions du purgatoire (du latin purgare, nettoyer, débarrasser, purifier) sont diverses et largement remises en question aujourd’hui. Pour la clarté de l’exposé, on retiendra la suivante: le purgatoire est le temps d’épreuve permettant la purification préalable de ceux qui, au terme de leur vie terrestre, sont admis à partager le bonheur de Dieu.

“Si cette définition n’est pas acceptée unanimement, c’est que le purgatoire est une construction théologique: dans le Nouveau testament, on ne trouve en effet aucune trace ni du mot ni même de la réalité qu’il désigne.”
(La nouvelle encyclopédie catholique Théo, op. cit., p. 890)

Le décret sur le purgatoire date du 3 décembre 1563 (XXVe session du concile de Trente (1545-1563):

Il a donc fallu attendre le seizième siècle pour décréter l’existence du purgatoire.

Le Dictionnaire de la foi chrétienne rappelle la première définition (avec l’âme) mais ajoute (p. 636):

“La pratique constante de la prière pour les morts a peu à peu conduit l’Église à cette vérité qui doit être tenue sans pour autant être de foi absolue . L’Église, dans ses conciles, n’a jamais imposé aux Grecs de croire en la réalité du purgatoire. Quant à la modalité des peines encourues, elle demande aux prédicateurs une grande prudence de langage.”

Nous faisons toujours face à la même opposition: la prudence de l’Église et les idées arrêtées des éducateurs et autres zélés propagateurs.

Le concile de Florence (1438-1445) parlait déjà du Purgatoire, objet de vives controverses entre Église catholique et Église d’Orient. Mais le terme existerait depuis la fin du XIIe siècle selon le Larousse étymologique et le Dictionnaire Robert.

À quoi sert le Purgatoire selon les doctrinaires reconnus, qui ne peuvent s’appuyer que sur leur logique, puisque les textes canoniques sont muets sur le sujet’

Les auteurs attribuent différentes fonctions au Purgatoire, fonctions parfaitement superposables aux principes réincarnationistes. Dans un ouvrage intéressant, Réincarnation et foi chrétienne (Hétu, J.L., Méridien, 1984), on peut lire le détail des fonctions du Purgatoire selon les dogmes admis. Le lecteur et la lectrice curieux pourront donc s’y référer.

Plusieurs fois, j’ai lu et entendu citer un verset qui “prouve sans équivoque” l’existence du Purgatoire.
“Tu n’en sortiras pas tant que tu n’auras pas payé jusqu’au dernier centime.” (Mt V, 25).

Le contexte est pourtant très éloigné de l’idée de Purgatoire post mortem: Jésus prévient qu’il sera difficile de sortir de prison une fois condamné par un juge humain, parce que livré par un adversaire de mauvaise humeur. Il est question de réactions humaines qu’un bon Chrétien doit justement prévenir et ce justicier n’est en rien identifiable au Christ ou au Père céleste.

Cette pédagogie exotérique a dû naître pour compenser l’interdit lancé contre la croyance à la réincarnation. Il faut composer avec ce qui reste.

Le synode de Constantinople

On affirme péremptoirement que le synode de Constantinople (543) avait condamné la croyance en la réincarnation.

“L’empereur Justinien fut amené à promulguer en 543 un édit qui se concluait par des anathématismes. La même année, un synode réuni sous la présidence de Ménas, patriarche de Constantinople, conféra au texte impérial une portée dogmatique.

“La première erreur visée consistait dans l’affirmation de la préexistence et la transmigration des âmes, appuyée sur une étymologie assez particulière.”
(Textes doctrinaux de la foi catholique, p. 140).

À moins qu’il n’existe un autre texte, ce qui est fort possible, voici le texte en question (extrait du même ouvrage):

“Si quelqu’un dit ou pense que les âmes des hommes préexistent, en ce sens qu’elles étaient auparavant des esprits ou des saintes puissances qui, lassées de la contemplation de Dieu, se seraient tournées vers un état inférieur, que, pour ce motif, s’étaient refroidies (apophugmeisas) dans leur amour et dès lors ayant été appelées âmes (psuchas), elles auraient été envoyées dans un corps pour leur châtiment, qu’il soit anathème.”
(Ibid., p. 141)

TOUT semble partir de ce texte. Un empereur décrète que tel système philosophique est erroné, un synode endosse la condamnation mais l’autorité supérieure, le pape, ne se manifeste pas.

Le premier concile de Braga (561 ou 563) reprend la même condamnation.

Reprenons cependant les éléments avec lesquels jouent avec art les experts en argument, malgré la prudence de l’Église.

Tout d’abord, le synode de 543 n’est pas le 2e concile de Constantinople, 5e concile œcuménique, réuni en 553 par le même Justinien.

À cette époque, le pape était le romain Vigile (537-555), 59e pape.
Henri-Irénée Marrou fournit des précisions sur les relations unissant le pape Vigile et l’empereur Justinien. On comprendra mieux la portée de la condamnation et la prudente sagesse de l’Église sur le sujet (je parle de l’Église et non des ardents défenseurs de la vraie foi).

“Décidé à s’assurer l’accord du pape Vigile, Justinien le fit enlever, amener et séquestrer à Constantinople (janvier 547). Il devait y rester pendant plus de sept ans, soumis de la part de l’entourage impérial à une pression inhumaine, s’exerçant tantôt par la persuasion tantôt par la menace: âgé, malade, le malheureux Vigile résiste longtemps, cède (Judicatum du 11 avril 548), négocie encore, rompt avec l’empereur (août 551), se réfugie à Chalcédoine et se rétracte solennellement (Encyclique du 5 février 552); ramené à Constantinople, il finit par céder à nouveau mais la formule qu’il élabore (Constitutum du 14 mai 553) n’était pas jugée assez explicite, il doit s’incliner encore davantage devant la volonté impériale et rédige une formule enfin conforme à celle-ci (Constitutum du 23 février 554). […]

“Nos théologiens s’interrogent encore sur la portée précise qu’il convient de reconnaître aux documents signés par Vigile et sur l’autorité que possèdent les diverses décisions du Ve concile qui, à la demande de Justinien, avait, à partir du 26 mai, considéré Vigile comme déposé.”

Le pape Vigile mourut en rentrant à Rome.
Même si l’empereur Justinien avait réellement réussi à faire condamner la croyance en la réincarnation, quelle valeur aurait cet interdit pour la chrétienté? L’empereur n’a jamais été le chef de l’Église, le “vicaire du Christ” selon le dogme et la croyance des chrétiens (selon la foi chrétienne).
Le texte du synode condamne bien autre chose que la réincarnation elle-même. On condamne surtout la croyance en la “lassitude des âmes”.

Évangiles et réincarnation

Si les textes officiels des évangiles ne parlent pas du Purgatoire, parlent-ils de la réincarnation ou les rédacteurs successifs ont-ils soigneuse-ment omis toute référence à ce que tout Grec savait ?
Les défenseurs de la vraie foi sont forcés de multiplier les pirouettes pour effacer les “erreurs” des rédacteurs “inspirés du Saint-Esprit”. Pour qui ose affirmer que les textes évangéliques sont définitifs, les versets en cause le sont aussi. En voici quelques-uns.

“C’est lui [Jean-Baptiste], si vous voulez bien comprendre, l’Élie qui doit revenir. Celui qui a des oreilles entende.” (Mt XI, 14)
Mt XVI, 14 (repris par Mc VIII, 28 et Lc IX, 18): Selon la foule, Jésus est

“pour les uns, Jean-Le Baptiste; pour d’autres, Élie; pour d’autres encore, Jérémie ou l’un des prophètes.”
Jean reprend les mêmes questions et les mêmes réponses (Jn I, 21)
Comment la foule peut-elle imaginer que Jésus soit Élie, Jérémie ou tout autre prophète si elle ne croit pas à la réincarnation ou si les rédacteurs n’y croient pas’

Un autre verset dérange tant les traducteurs “alignés” qu’ils n’hésitent pas à tricher:

“À moins de naître d’en haut, nul ne peut voir le Royaume de Dieu”(Jn III, 3) [Versions TOB, Jérusalem, Osty]
L’original grec dit anôthen, qui signifie:
— d’en haut, du ciel (lieu physique);
— dès le commencement;
— de nouveau, en reprenant.

Pour traduire le terme grec (il ne s’agit pas d’hébreu, ni d’araméen qui pourraient…), les rédacteurs mandatés choisissent “naître d’en haut”.

Nous sommes forcés de nous poser quelques questions…

Si le terme grec signifiait, dans ce contexte, d’en haut, Nicodème ne poserait pas ses questions, ou il serait un idiot. Nicodème a bien compris “de nouveau”, “encore une fois”, quand il dit:
“Comment un homme pourrait-il naître s’il est vieux ? Pourrait-il entrer une seconde fois dans le sein de sa mère et naître ?”
Si Jésus avait voulu parler “d’en haut” (sous-entendu “du ciel”) Nicodème aurait posé d’autres questions et non celles-ci.

Pour minimiser le choix pour le moins malheureux, toutes les versions ajoutent une note en bas de page précisant que le terme grec admet les deux significations.

Les défenseurs de la vraie foi se rattrapent:
“Et comme les hommes ne meurent d’une fois, après quoi il y a jugement”.(He IX, 27)

On arrête là la citation de l’épître aux Hébreux. On oublie la suite:
“ainsi le Christ, après s’être offert une seule fois pour enlever les péchés d’un grand nombre, apparaîtra une seconde fois — hors du péché — à ceux qui l’attendent pour leur donner le salut”

En quoi cette mort unique contredirait-elle la doctrine de la réincarnation ?

C’est l’homme qui meurt et non son psychique… toujours la même confusion. Il est donc évident que l’homme ne meurt qu’une fois.
Concluons: l’Église, sagement, ne parle pas de réincarnation et pédagogiquement, propose le Purgatoire sans forcer les fidèles à y croire. Rien dans les textes dogmatiques, rien dans les évangiles reçus n’interdit la doctrine de la réincarnation.

L’homme normal ne meurt qu’une fois car il se dissout; seul l’homme né à la Lumière, relié à son psychique, se réincarne. Pédagogiquement (et statistiquement) parlant, la réincarnation n’existe pas.

Pédagogiquement, bien des écoles d’épanouissement omettent la réincarnation ou la condamnent. Ce qui compte, sauf exception, c’est la vie présente, qu’on doit illuminer.

Évolution

Et pourquoi la réincarnation ?

L’humanité évolue, constatent les chercheurs. De l’homme primitif, se dressant sur ses jambes il y a un ou plusieurs millions d’années, à l’homme d’aujourd’hui, certaines caractéristiques ont évolué.

Qui évolue ? L’humanité, évidemment, c’est-à-dire l’espèce humaine et non l’individu: Chaque maillon de la chaîne évolutive est mort, s’est désintégré depuis longtemps et il n’a pu évoluer. Chaque homme qui se crée prend en marche le train de l’évolution, fait un petit bout de route et s’évapore. A l’échelle géologique, la vie humaine est comparable à la durée de vie d’une goutte d’eau qui tombe du bout d’une feuille mouillée par la pluie.

L’homme-individu s’est évaporé; sa substance physique a été reprise en charge par la chaîne de vie et ses constituants ont servi à refaire d’autres êtres vivants, pas forcément humains.

Alors, l’individu n’évolue pas; du moins, pas l’individu-corps, pas la personnalité consciente, objectivée, phénoménale (au sens philosophique du terme).

L’Occident est acculturé chrétien, même les athées. Il nous faut donc partir de ce postulat.

Selon le dogme populaire (enseignement exotérique) chrétien, l’homme-individu ne meurt pas totalement puisque son âme survit à la mort du corps.

Et la question de la réincarnation divise les “penseurs” et les fidèles.

Pendant ce temps, des yogi, des méditants, des chercheurs de Vérité, les bénéficiaires d’une grâce spéciale, revivent des expériences passées, retrouvent des souvenirs précis d’existences antérieures.

Le principe de la réincarnation est simple: la mort abolit tout ce qui n’est pas divin. Prenons une comparaison. Plaçons un objet d’or ou de platine au centre d’une statue d’argile non cuite et noyons cette sculpture provisoire dans une rivière. Peu à peu, plus ou moins rapidement selon l’épaisseur, l’argile sera dissoute dans l’eau, mais l’objet précieux brillera. Cet objet précieux, c’est le psychique. La statue d’argile, c’est l’individu, provisoire coagulation d’éléments empruntés aux différentes strates d’univers, aux différents plans de conscience; le bouddhisme parle justement d’agrégat et d’impermanence; le sanskrit parle de vase (de contenant), d’adhara.

Le but de la Création, selon la Tradition (qui ne parle pas de Création mais de Manifestation), n’est pas de maintenir le statu quo mais de faire évoluer — c’est-à-dire de diviniser — tout ce qui est descendu dans la matière. La Force évolutive efface donc ce qui retarde la croissance de l’être divin individuel. L’agrégat se dissout, le vase (l’adhara) s’effrite, seul demeure le psychique, du moins dans le cas le plus général.

En résumé, la réincarnation est la clé de l’évolution. Progressivement, de vie en vie, un élément immortel grandit et se forme, empruntant des corps successifs, pour devenir peu à peu un être véritablement “à l’image de Dieu”.

Certes, tout ce qui précède est abrupt et sans nuances: il faudrait rédiger un ouvrage entier pour tenter de nuancer, de préciser, d’éclaircir. (Lire le livre : L’expérience de la réincarnation aux éditions du Rocher.) Contentons-nous de survoler le problème.

On se réincarne toujours pour commencer, poursuivre ou terminer un Travail, qu’il soit fondamental (se construire un être intérieur immortel) ou particulier (une mission propre, après que l’être ait été construit).

Si nous avons droit à des signes ? Bien entendu! toutes les chances nous sont offertes et, pour tout observateur neutre, non impliqué, elles sont mêmes évidentes.

Les éléments du moi

Mais alors, qui ou quoi se réincarne ? L’être entier ou un élément privilégié ? Pourquoi ne se souvient-on pas systématiquement des vies antérieures si la réincarnation est un fait ?

Notre personne est une mosaïque d’éléments plus ou moins auto-nomes, plus ou moins antagonistes, plus ou moins bien reliés à notre personnalité de veille. Ces morceaux (qu’on appelle parfois maintenant subpersonnalités) à tendance anarchique constituent cependant notre moi. L’élément qui voyage en empruntant l’un de ces éléments pour une expérience onirique par exemple est la conscience; cette conscience (à ne pas confondre avec ce qu’on appelle, sans la définir, la conscience morale) est le JE, par opposition au MOI. Selon la Tradition, le psychique est l’élément unificateur, capable de maintenir tous ces morceaux ensemble durant une vie entière. C’est, toujours selon la Tradition, ce psychique qui se réincarne et construit chaque fois une nouvelle personnalité. C’est ce psychique qu’ignore (pour diverses raisons, dont des raisons d’ordre pédagogique) les Traditions prônant la dissolution de l’agrégat.

Un psychiatre installé depuis longtemps en Inde, méditant, habitué à la psychologie occidentale et aux connaissances orientales, écrit:
“Une autre notion récente de psychologie, qui remet sérieusement en question les fondements d’un ego stable, est la “subpersonnalité”. On parle aussi de “personnalités multiples” ou d’“états de l’ego”. […] Une subpersonnalité est un état semi autonome et semi-permanent de la personnalité capable d’agir comme une personne. une subpersonnalité n’est pas une “chose”, mais un flot d’énergie. En faisant une revue des divers courants de la psychologie actuelle, Rowan a trouvé vingt-cinq noms différents pour désigner ce phénomène de subpersonnalité: les personnes introjectées, les rôles, l’animus, l’anima (Jung), etc. Les formes extrêmes correspondent à la dissociation schizophrénique, la mythomanie, l’hystérie et ce groupe nosologique qu’on appelle “psychose hystérique”. […] Ces subpersonnalités représentent des forces plus que des personnalités, mais on peut leur parler, dialoguer avec elles. Leur venue régulière ou inattendue au premier plan permet de rendre compte de la plupart des changements de comportement d’un individu.”
(Vigne, Dr J., Méditation et psychologie, Albin Michel, 1996, pp. 187-188)

Nous allons constater que les Anciens savaient déjà tout cela, qu’il ne s’agit pas d’une fantaisie littéraire.

L’Égypte

L’Égypte avait déjà compris (ou reçu) que l’être humain était un agrégat plus ou moins durable d’éléments très divers, appartenant à différents plans d’existence.

“La personnalité humaine apparaît composée de quatre éléments: khet, le corps, particulièrement le corps mort, chout l’ombre, et deux éléments qui ne tombent pas sous les sens: le Ba et le Ka.”
(Montet, P., L’Égypte éternelle, Marabout, Paris, [1964] 1991, p. 176)

De nombreux auteurs dressent une liste bien plus longue des éléments du moi.

Laissons l’Égypte et passons à la Grèce, dont on sait parfaitement lire l’écriture. Là encore, on sait que l’être humain n’est pas constitué d’un seul morceau.

La Grèce

Celui qui a livré de plus de secrets, même en les voilant, est bien Plutarque. Il savait:
“ […] il convient que ceux qui l’honorent [le dieu] s’adressent à lui et le saluent en disant: “Tu es”, ou même, par Zeus! comme le faisaient certains anciens: “Tu es un”. Car il n’est pas multiple, comme l’est chacun de nous, assemblage hétéroclite d’éléments divers et innombrables, sujets à modifications et réunis pêle-mêle à la manière d’une foule. Ce qui existe réellement ne peut être qu’un, de même que ce qui est un existe de toute nécessité. C’est parce que l’altérité diffère de l’être qu’elle dégénère et produit le non-être. ”
(Plutarque, Dialogues pythiques, Société d’édition “Les Belles Lettres”, Paris, 1974, pp. 32-33)

L’Inde

La Tradition de l’Inde est magistralement résumée puis explicitée, élargie, par Sri Aurobindo. Il sait.
“ Nous sommes composés de nombreuses parties, et chacune apporte sa part au mouvement total de notre conscience, de notre pensée, notre volonté, nos sensations, sentiments et actions. ”
(Sri Aurobindo, Lettres sur le Yoga, SAAT, Pondichéry, 1984, p. 1)
La Mère, responsable de l’ashram de Sri Aurobindo, dicte:

“On n’est pas fait d’un seul morceau. […] Il y a dans l’être beaucoup de parties différentes, qui sont quelquefois tout à fait indépendantes les unes des autres, et qui prennent possession de la conscience presque à tour de rôle, et quelquefois même dans un ordre tout à fait régulier.”
(La Mère, Entretiens 1954, SAA, Pondichéry, 1980, p. 448)

“Il y a des êtres qui portent en eux des milliers de personnalités différentes et alors chacune a son rythme et son alternance, et il y a une sorte de combinaison; quelquefois, il y a des conflits intérieurs, et il y a un jeu d’activités qui sont rythmiques et avec des alternances de certaines parties qui viennent en avant et puis qui s’en vont en arrière et puis qui reviennent en avant.”
( Ibid., p. 245)

Premières conclusions

On peut donc écrire que notre personne est, en quelque sorte, une horde d’entités égocentriques, plus ou moins reliées à un responsable central. Lorsque le pont existe, l’individu est conscient des activités du morceau, de la subpersonnalité; lorsqu’aucun pont n’a été créé (initiation puis ascèse), l’individu ne se souvient pas des activités de ce morceau particulier.

Il nous est impossible, dans le cadre d’un article, de définir cet agrégat, cet adhara. Il faudrait ajouter de très nombreuses pages. Contentons-nous de citer, sans précisions, que cet agrégat se compose d’ensembles et de sous-ensembles; les grands ensembles s’appellent des “corps” ou étuis; les plans sur lesquels sont pris les éléments de ces ensembles s’étagent du Subconscient juqu’au Supraconscient, en passant par le physique, les plans du Vital, les plans du Mental, les plans spirituels; que le psychique émane des “antennes” appelées purusha , etc.

Chaque fois que le psychique s’incarne, il construit un nouvel être à partir de matériaux (matière première ou morceaux déjà constitués) qu’il prend dans la Nature universelle, sur les plans du Mental, du Vital et du Physique. Lorsque le psychique a terminé son expérience, c’est la mort du corps. Les enveloppes non physiques survivent un certain temps sur leur propre plan avant de se dissoudre comme le corps physique, en commençant par les enveloppes les plus rapprochées du physique, pour finir par l’enveloppe mentale. Le psychique, détaché de ses enveloppes, se retire dans son plan divin pour y attendre la prochaine incarnation, en assimilant les expériences vécues dans la vie qui vient de se terminer.

En fait, tel est le processus habituel pour tous les humains ayant atteint un développement ordinaire; c’est le cycle vécu par les multitudes de pro-fanes dont la vie est celle des égocentriques, instruits ou incultes, totalement étrangers à l’Évolution.
Mais, au milieu de cette multitude, brillent “les élus”, c’est-à-dire ceux et celles qui ont accepté de supporter l’Évolution en construisant un ou plusieurs éléments, en transformant des atomes inertes en une ou des constructions organisées. Le processus, nous l’avons vu, est différent.

Dans tous les cas, le psychique prend, en s’incarnant, autant de karma qui lui sera nécessaire: ce sont des germes d’actions nés des actes du passé et les fleurs doivent s’ouvrir un jour, fussent-elles douloureuses. Quelqu’un doit récolter ce qui a été semé.
Dans tous les cas, lorsque le psychique s’est libéré de ses enveloppes, il entre en repos pour assimiler les expériences qu’il a vécues tout au long de la vie qui vient de finir. Cette assimilation est une transformation, une sublimation des souvenirs. Le psychique ne dispose pas de la mémoire du Mental, encore moins d’une mémoire d’ordinateur, ni celle d’un magnétophone, d’une caméra ou d’un magnétoscope. Le psychique retient l’essence spirituelle des expériences. Je dois insister: l’essence spirituelle n’est pas une abstraction; il s’agit du germe spirituel, donc de l’Idée au sens platonicien du terme.

Le psychique ne revient pas en arrière: il ne construit jamais une nouvelle personnalité moins évoluée que la précédente. Une fois incarné dans un être humain, il ne s’incarne plus dans un animal, ce qui ne contredit en rien la croyance en la métempsycose: des morceaux peuvent entrer dans des animaux ou des plantes, mais pas le psychique .

Certaines parties de l’être peuvent rester formées après la mort et entrer dans un être non humain, comme nous l’avons déjà dit plus haut. Il s’agit d’éléments (de morceaux) du Vital et non du Mental, puisque les humains sont les seuls capables de supporter une enveloppe mentale (où s’accrocherait un morceau mental en entrant dans un animal ou dans une plante ?). Il s’agit d’éléments centrés autour d’un intense désir, d’un appel constant pour des expériences vitales (obsessions sexuelles ou autres, les vices, les toxicomanies, etc.). Tel animal pourra satisfaire les exigences du morceau entré en lui, qui continue à vouloir jouir, sans se soucier du psychique qu’il a toujours ignoré.

Au moment de la mort, l’être entier (tout ce qui n’est pas le corps) sort par la tête, par un point connu des acupuncteurs. L’être sort “en astral”, comme lors du “voyage astral” (l’être sortait alors par le cœur). Un voyant ouvert à la vision sur ce plan très près de la matière peut voir sortir l’être qui meurt. À cet instant, l’être est entier, à la condition qu’il parte dans le calme et non pas lors d’un accident ou d’une catastrophe: il “exploserait” et ses éléments (ses morceaux) s’éparpilleraient; si le psychique est très développé, il peut ramener ensuite les éléments autour de lui.

Il nous est impossible, dans le cadre d’un article, de définir cet agrégat, cet adhara. Il faudrait ajouter de très nombreuses pages. Contentons-nous de citer, sans précisions, que cet agrégat se compose d’ensembles et de sous-ensembles; les grands ensembles s’appellent des “corps” ou étuis; les plans sur lesquels sont pris les éléments de ces ensembles s’étagent du Subconscient juqu’au Supraconscient, en passant par le physique, les plans du Vital, les plans du Mental, les plans spirituels; que le psychique émane des “antennes” appelées purusha , etc.

Chaque fois que le psychique s’incarne, il construit un nouvel être à partir de matériaux (matière première ou morceaux déjà constitués) qu’il prend dans la Nature universelle, sur les plans du Mental, du Vital et du Physique. Lorsque le psychique a terminé son expérience, c’est la mort du corps. Les enveloppes non physiques survivent un certain temps sur leur propre plan avant de se dissoudre comme le corps physique, en commençant par les enveloppes les plus rapprochées du physique, pour finir par l’enveloppe mentale. Le psychique, détaché de ses enveloppes, se retire dans son plan divin pour y attendre la prochaine incarnation, en assimilant les expériences vécues dans la vie qui vient de se terminer.

En fait, tel est le processus habituel pour tous les humains ayant atteint un développement ordinaire; c’est le cycle vécu par les multitudes de pro-fanes dont la vie est celle des égocentriques, instruits ou incultes, totalement étrangers à l’Évolution.
Mais, au milieu de cette multitude, brillent “les élus”, c’est-à-dire ceux et celles qui ont accepté de supporter l’Évolution en construisant un ou plusieurs éléments, en transformant des atomes inertes en une ou des constructions organisées. Le processus, nous l’avons vu, est différent.

Dans tous les cas, le psychique prend, en s’incarnant, autant de karma qui lui sera nécessaire: ce sont des germes d’actions nés des actes du passé et les fleurs doivent s’ouvrir un jour, fussent-elles douloureuses. Quelqu’un doit récolter ce qui a été semé.
Dans tous les cas, lorsque le psychique s’est libéré de ses enveloppes, il entre en repos pour assimiler les expériences qu’il a vécues tout au long de la vie qui vient de finir. Cette assimilation est une transformation, une sublimation des souvenirs. Le psychique ne dispose pas de la mémoire du Mental, encore moins d’une mémoire d’ordinateur, ni celle d’un magnétophone, d’une caméra ou d’un magnétoscope. Le psychique retient l’essence spirituelle des expériences. Je dois insister: l’essence spirituelle n’est pas une abstraction; il s’agit du germe spirituel, donc de l’Idée au sens platonicien du terme.

Le psychique ne revient pas en arrière: il ne construit jamais une nouvelle personnalité moins évoluée que la précédente. Une fois incarné dans un être humain, il ne s’incarne plus dans un animal, ce qui ne contredit en rien la croyance en la métempsycose: des morceaux peuvent entrer dans des animaux ou des plantes, mais pas le psychique .

Certaines parties de l’être peuvent rester formées après la mort et entrer dans un être non humain, comme nous l’avons déjà dit plus haut. Il s’agit d’éléments (de morceaux) du Vital et non du Mental, puisque les humains sont les seuls capables de supporter une enveloppe mentale (où s’accrocherait un morceau mental en entrant dans un animal ou dans une plante ?). Il s’agit d’éléments centrés autour d’un intense désir, d’un appel constant pour des expériences vitales (obsessions sexuelles ou autres, les vices, les toxicomanies, etc.). Tel animal pourra satisfaire les exigences du morceau entré en lui, qui continue à vouloir jouir, sans se soucier du psychique qu’il a toujours ignoré.

Au moment de la mort, l’être entier (tout ce qui n’est pas le corps) sort par la tête, par un point connu des acupuncteurs. L’être sort “en astral”, comme lors du “voyage astral” (l’être sortait alors par le cœur). Un voyant ouvert à la vision sur ce plan très près de la matière peut voir sortir l’être qui meurt. À cet instant, l’être est entier, à la condition qu’il parte dans le calme et non pas lors d’un accident ou d’une catastrophe: il “exploserait” et ses éléments (ses morceaux) s’éparpilleraient; si le psychique est très développé, il peut ramener ensuite les éléments autour de lui.

Le psychique emporte l’essence de tout cela, l’essence dans l’acception philosophique du terme. Ce qui fut l’existence s’évanouit, sauf les parties très bien structurées (qui, rappelons-le, peuvent rester liées au psychique, ou devenir autonomes et entrer dans un nouvel être). La religion exotérique enseigne donc la vérité: la réincarnation n’existe pas, c’est une vaine croyance: “le bon peuple” croit à la réincarnation de l’être entier , du moi conscient, puisqu’il ne comprend pas que nous sommes une mosaïque au ciment très friable.

Ce survol est bref, abrupt, sans beaucoup d’exemples concrets: il s’agit d’un simple article et non d’un traité; à chacun(e) d’approfondir le sujet. Néanmoins, dans le seconde partie de l’exposé (dans le prochain numéro d’Occulture) nous traiterons du déjà vu et du déjà su, des régressions, des thérapies, de l’Illusion cosmique et de certains éléments non encore abordés.

Claude-Gérard Sarrazin a publié depuis 1958 près de cinquante ouvrages sur des sujets divers; cependant, tous convergent vers l’éveil et l’élargissement de la conscience. Pour en savoir plus sur la réincarnation, lire L’expérience de la réincarnation aux éditions du Rocher.

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