Voici la deuxième partie d’un texte auquel j’adhère totalement tant c’est conforme à ma pensée et à mon expérience, c’est tiré d’une magnifique mais défunte revue Occulture #10. J’espère que vous apprécierez.
Cristal
La réincarnation, mythe ou réalité ?
Claude-Gérard Sarrazin
Deuxième partie
Dans l’article précédent, nous avions rappelé les enseignements de la Tradition : ce n’est pas la personne entière qui se réincarne mais son être central, l’âme immortelle, que Sri Aurobindo appelle le psychique, terme que nous avons retenu pour éviter les innombrables et inévitables quiproquos nés d’un usage trop large du substantif âme. Nous avions donc précisé la double nature de la réincarnation:
— celle du psychique, responsable de la réincarnation évolutive, sans discontinuité, qui choisit, au début de chaque incarnation, ce qui lui est nécessaire pour évoluer;
— celles des “morceaux” tout prêts, éléments évolués éparpillés lors de la mort; c’est une réincarnation fonctionnelle qui reprend des éléments déjà utilisés ailleurs.
Ainsi l’individu A est dirigé par son psychique mais le moi de A comprend des “morceaux” ayant pu appartenir au moi de B, C, ou D. A peut avoir hérité de l’intelligence supérieure de B, du talent de peintre de C et du caractère épouvantable de D.
Notre moi n’est pas un vague ramassis coagulé de pensées et d’affects, mais un ensemble de morceaux plus ou moins autonomes. C’est bien plus complexe que ne l’affirmait Freud (qui expliquait tout ou presque par le subconscient). Notre personne est bien une mosaïque d’éléments plus ou moins auto-nomes, plus ou moins antagonistes, plus ou moins bien reliés à notre personnalité de veille. Ces morceaux (qu’on appelle parfois maintenant subpersonnalités) à tendance anarchique constituent cependant notre moi. Selon la Tradition, le psychique est l’élément unificateur, capable de maintenir tous ces morceaux ensembles durant une vie entière. C’est, toujours selon la Tradition, ce psychique qui se réincarne et construit chaque fois une nouvelle personnalité.
Selon la Tradition, certains morceaux, les moins nombreux, sont bien plus évolués que notre personnalité consciente; d’autres morceaux, plus nombreux, sont loin en arrière.
Construction de l’être
Toujours selon la Tradition, le psychique tente d’éveiller ce “moi” à la Lumière comme une mère de famille nombreuse tirant derrière elle une ribambelle de voyous parmi lesquels tente de grandir un enfant plus évolué que les autres.
L’être central est donc le psychique, personnalité divine qui se construit, au cours des incarnations successives, autour d’une étincelle du Divin. Cet être central est, au départ, un centre psychique mais, quand il est bien individualisé, c’est un être psychique. Ce psychique est conscient de son origine et de sa nature divines; il pousse le reste de la personne à évoluer, à aspirer à l’illumination; il organise les événements, les prises de conscience pour que l’individu qu’il supporte ait, à chaque incarnation, la chance de découvrir la Lumière.
C’est lui qui peut faire revivre le souvenir des vies antérieures. Encore faut-il qu’il ait pu accumuler des souvenirs: il doit avoir été présent quand l’événement se produisait. Dans une vie normale, sans expériences spirituelles, le psychique est voilé par la grisaille ou l’excitation de la personnalité de surface: aucun souvenir ne peut s’inscrire. Si un moment de grâce se produit, le psychique est présent et le souvenir s’inscrit dans sa mémoire.
Le corps subtil du psychique, le corps psychique donc, est à l’image exacte d’un dieu, toute beauté, toute perfection. Plus l’être physique est libéré de l’obscurité, plus le corps de chair peut ressembler au corps psychique.
En résumé, le centre de la personne humaine, l’élément qui tient en-semble tous les morceaux, qui naît avant le corps et ne meurt point après la mort du corps, l’élément non-né, immortel, d’essence divine, c’est le psychique.
Cet être en formation, le psychique, quitte un corps qui meurt pour aller dans un monde lumineux en attendant de redescendre pour reprendre le Travail évolutif dans un nouveau corps. Cette attente peut être très longue (des millénaires), surtout durant la période de formation du psychique. Les décisions mentales ou émotives du moribond n’ont aucun poids et ne modifient en rien la décision du psychique de s’incarner dans telles circonstances et à telle époque. Le moribond est mortel — il est en train de le prouver —, le psychique est immortel, il se prépare déjà pour la prochaine vie; le moribond est inconscient du Grand Plan, le psychique a la vision du Suprême.
Le psychique se construit donc lentement, de vie en vie, en “coagulant” une substance d’ordre spirituel. Une fois construit, cet être psychique ressemble à un dieu ou aux anges de la Tradition chrétienne, mais sans chemise ni ailes, et il a tous les pouvoirs d’un dieu. L’être psychique accompli n’est pas Dieu mais un dieu (et tous les dieux ensemble ne sont pas Dieu, qui déborde et transcende tout ce qu’Il a manifesté).
Illumination progressive
Autour du psychique, d’autres graines sont semées: ce sont les purusha, les germes du mental, du vital et du physique. Ces purusha sont les prolongements du psychique. Si l’adhara leur en donne l’occasion, ils “coagulent” eux aussi une substance propre à leur plan. Ainsi peuvent se construire un étui (kosha) mental, un étui vital et un étui physique. Ce sont des morceaux intérieurs, profonds, divinisés, immortels, dont l’être extérieur n’a généralement pas conscience, auxquels ils n’a pas naturellement accès, sauf ascèse particulière.
Ces morceaux divinisés attirent à eux des morceaux tout construits s’ils en ont besoin pour évoluer et en absorbent l’essence (ce qui fait “germer”, grandir les morceaux divinisés) sans en rien diminuer les morceaux non divinisés; ils y ajoutent même une lumière divine. Lorsqu’un morceau est suffisamment coagulé autour du germe, il ne se dissout pas à la mort, descend avec le psychique dans la vie suivante et se manifeste selon les besoins du psychique.
Ce n’est en rien la pensée (“la pensée peut tout”, répètent certains profanes) qui construit les étuis, les morceaux intérieurs. C’est le germe qui coagule autour de lui la substance que livrent une ascèse, un Travail évolutif, un travail créateur.
Si nous ne disposions que d’une seule vie, ce serait sans espoir et le “Créateur” accueillerait sans cesse des êtres immatures. S’il créait des psychiques adultes (donc des dieux conscients et puissants), on ne parlerait pas de vallée de larmes, et les hommes agiraient comme des dieux et non comme des amibes à deux pattes et amplificateurs de caprices.
L’Évolution consiste à construire des morceaux divinisés et non à s’abrutir en confiant à des machines toutes les responsabilités.
Chaque vie est utile à l’évolution.
Quand l’individu-support refuse d’agir dans le sens du progrès, le psychique pousse quand même et toutes les résistances extérieures se lèvent pour protester: ce sont les “épreuves”. En vérité, les épreuves ne sont généralement que des refus. L’individu mortel s’arqueboute, s’accroche, refuse d’avancer vers la Lumière; le char du Devenir lui passe dessus alors que ce même char s’offrait pour le conduire plus loin.
La mort
La mort est, sauf exception, une plongée dans l’acide nitrique, qui dissout l’être, comme le professent les athées. Cependant, contrairement à ce que pensent ces mêmes athées, l’être central, immortel, ne se dissout pas, et il n’en tient qu’à la volonté personnelle d’organiser la vie de manière à ne pas se dissoudre tout entier, en unissant tous les morceaux au psychique. La porte est étroite, mais elle est lumineuse.
Quant au Subconscient individuel, incohérent par construction, anar-chique, désordonné, coagulé en plusieurs petits tas (les complexes, les blocages, les phobies, etc.), totalement fermé à l’évolution, il se dissout totalement à la mort. Il ne se réincarne donc pas. Le nouvel individu fabrique son Subconscient individuel, mais il hérite du Subconscient collectif dès qu’il entre dans un nouveau corps.
Les morceaux coagulés sans être reliés aux purusha, aux germes divins, ne peuvent résister à la mort, et l’individu qui a vécu à l’extérieur de son être (fût-il savant renommé, artiste consacré, etc.) se retrouve plus que nu après la mort: seul son psychique reste entier; peu à peu, tout le reste se dissout et c’est la lente désintégration , en commençant par les morceaux les plus près du physique et en remontant vers le mental. Les atomes “coagulés” s’éloignent, comme ceux d’entre eux qui avaient construit le corps de chair. Si ces morceaux sont solides, ils s’éloignent du psychique et attendent qu’un autre psychique les accapare, comme nous le savons. On comprend maintenant pour quelle raison l’immense majorité des humains “a bu les eaux du Léthé”: il ne reste rien de la personnalité extérieure lorsque le psychique reconstruit un nouvel être.
Injustice ?
L’évolution n’est pas la même pour tous, quoi que prétendent certains égalitaristes.
À l’origine, lorsque le Suprême émana les âmes — en supposant qu’il les ait émanées toutes ensemble, mais quand on parle du Divin, il est difficile de parler de temps et de déroulement… —, elles étaient égales, en ce sens qu’elles disposaient du même potentiel évolutif; elles étaient issues de la même source (le Divin), disposaient de la même immortalité et des mêmes capacités de transformation.
Certains individus-supports évoluèrent et, au-dedans, l’âme évolua aussi pour, en s’incarnant de nouveau, poursuivre son évolution. D’autres, majoritaires, stagnèrent et ne se soucièrent absolument pas de spiritualité; l’âme, en se réincarnant, en était encore au stade du fœtus au début de sa formation. “Beaucoup d’appelés et peu d’élus”. Ce n’est pas un Dieu fantaisiste qui choisit un chouchou et en fait un élu, c’est chacun qui répond ou non à l’appel.
Les individus supportant une âme adulte sont évidemment minoritaires tandis que les individus supportant une âme fœtus constituent l’écrasante majorité de l’humanité. La surpopulation est un signe de catastrophe évolutive: les âmes adultes restent en nombre limité tandis que les fœtus (sans jeu de mots) se multiplient. (La porte est étroite, certes, mais elle est si lumineuse que tous peuvent répondre à l’appel).
Les expériences authentiques ne nous sont accordées que dans le but de nous faire prendre conscience de notre origine divine, donc d’évoluer, et jamais pour “nous faire plaisir”; comme si Dieu était une gentille maîtresse d’école maternelle distribuant des images aux enfants sages “pour les encourager”.
Échapper aux renaissances, dissoudre l’agrégat.
Il nous faut ouvrir une parenthèse et tracer, en quelques mots, l’essentiel d’une métaphysique très répandue: l’advaita, le monisme absolu. Le terme est plus précisément advaita-vedanta. Il s’agit d’une doctrine de non-dualité, ce qui signifie que tout est Un, aussi bien dans le macrocosme que dans le microcosme; seul est vrai Brahman, l’Absolu, l’Un. Cela va infiniment plus loin que dans notre monothéisme où l’on conçoit Dieu comme unique mais distinct de sa Création. Pour l’advaitavadin , la Manifestation, la multiplicité ne sont qu’illusion. Tout est maya, illusion pure; c’est la Puissance cosmique qui conduit l’homme à prendre le phénomène pour le noumène, c’est la puissance d’illusion de l’Absolu.
Il est ô combien étrange de constater qu’un terme aussi répandu dans son acception classique (“Illusion cosmique”) ait signifié, dans le Veda (expression voilée mais non déformée de la Tradition primordiale), la Connaissance absolue, créatrice, sagesse.
L’Occident n’est pas le seul territoire des glissements de sens …
Si tout n’est qu’illusion, il est logique de vouloir fuir cette monstruosité douloureuse et se fondre dans… dans quoi ?
On comprend que la réincarnation (punarjanma) soit une malédiction pour un mayavadin.
Sri Aurobindo écrit justement:
“Les védântistes purement monistes disent: tout est Brahman, la vie est un rêve, une irréalité; seul Brahman existe. On a le Nirvâna ou la moukti, ensuite on vit jusqu’à ce que le corps tombe — après cela, il n’y a plus de vie.
Ils ne croient pas à la transformation, parce que le mental, la vie et le corps sont une ignorance, une illusion —la seule réalité est le Moi sans forme et sans relation, Brahman. […] Quelle serait l’utilité ou la possibilité de transformer une illusion qui ne pourra jamais être autre chose (quelle que soit la transformation) qu’une illusion’”
(Sri Aurobindo, Lettres sur le Yoga, vol. 1, S.A.A.T. 1982, p. 12)
Et il ajoute ironiquement (et puissamment):
“Maya nous poursuit jusqu’en notre évasion et se rit de notre triomphante logique qui avait paru trancher le nœud de son mystère.”
(Sri Aurobindo, Métaphysique et psychologie, Albin Michel, Spiritualités vivantes n° 69, 1988, p. 43)
Ou mieux encore:
“Selon la conception moniste… nous arrivons donc à ceci: l’évasion d’une âme illusoire et non existante hors d’un esclavage illusoire et non existant en un monde illusoire et non existant est le bien suprême que doit poursuivre cette âme non existante.”
(Ibid., p. 43)
Nous n’insisterons pas sur cette métaphysique qui, après avoir envahi l’Inde commence à envahir l’Occident. Demandons-nous si ces grands méditants (on ne peut nier leur sincérité!) pensent que l’Absolu (le Suprême) soit aussi une illusion, ou qu’il s’agit d’un Fou tout-puissant, qui a créé un univers pour aliénés et ces aliénés veulent s’enfuir… où d’ailleurs’ pour se dissoudre. Pourquoi alors cette Manifestation, cette mascarade’
La Tradition primordiale ne parle pas d’illusion cosmique mais de désordre cosmique (d’où est né le Dualisme tardif et mal compris). De ce côté de la planète, la Tradition juive a parfaitement conservé cette Connaissance:
“Après le bris des vases intervient la dernière phase du processus théogonique, celui du Tiqqûn, de la réparation ou de la restauration du monde cassé.” (p. 116)
“Le Tiqqûn des mondes n’est cependant pas mené à son terme par les soins de l’Émanateur. L’un des effets du bris des vases [Tsimtsûm ] a été de faire descendre chacun des mondes plus bas que le lieu qui lui était assigné à l’origine. En vertu de quoi le monde de l’Asiyyah qui devait être un monde purement spirituel fut dégradé, se mêla à la partie inférieure du monde des Kelippot et avec la matière physique qui le domine. La tâche dévolue à l’homme est précisément de restaurer le monde de l’Assiyyah en son lieu purement spirituel, de le séparer entièrement du monde des écorces, en rassemblant les parcelles de sainteté et d’établir enfin une communication de chaque créature avec le divin que rien ne pourra interrompre.” (pp. 116-117)
(Roland Goetschel, La Kabbale, QSJ 1105, P.U.F, 1989)
Louable, en effet, que cette fuite éperdue hors de l’Illusion, mais le psychique reviendra quand même faire son Travail évolutif et il sera forcé de construire un nouvel agrégat.
Logique: on ne cherche pas le psychique, seule Réalité divine, donc permanente, on ne le trouve donc pas. Tout est de ce fait impermanent: c’est la Manifestation, où tout est mouvant; le grand chaudron où tout est dissout et remodelé.
L’ascèse née de cette conception est une excellente préparation: elle apprend à se libérer des liens trop retardateurs.
L’expérience du déjà vu
Laissons la grande métaphysique pour descendre au niveau quotidien. Examinons l’un des arguments proposés par certains réincarnationistes (très profanes en la matière): l’expérience du déjà vu.
Chaque détail, chaque geste, chaque phrase, tout est reconnu, mais on ne peut savoir quand on a déjà vécu cette scène. On est pourtant absolument certain de l’avoir déjà vécue.
Cependant, il est impossible de vivre deux fois la même situation; à la rigueur, nous pourrions porter les mêmes vêtements, faire les mêmes gestes, MAIS que l’autre personnage prononce les mêmes mots avec la même intonation, porte lui aussi les mêmes vêtements, que le décor soit strictement identique, que le dialogue soit reproduit mot à mot… Alors ?
a/ Explication matérialiste invérifiable
Bien que rassurante, (et cela fait bien, sérieux et informé), on se contente de phraséologie: double circuit de neurones avec décalage, d’où double perception des données et impression de reconnaissance. Tout se passerait comme si on décalait les deux pistes d’un enregistrement stéréophonique: un côté, disons le gauche, arriverait en retard dans une oreille; le “ cerveau ” aurait le temps de reconnaître au fur et à mesure les données de la piste retardataire (la piste gauche) puisqu’il viendrait de les entendre à droite.
Il faudrait évidemment voir ces neurones, mesurer l’électricité pendant l’expérience même, ce qui est impossible. On préfère énoncer gravement ces sottises pseudo scientifiques ; au besoin, en élargissant le vocabulaire pour assommer le profane…
b/ Souvenir d’une vie antérieure.
On revivrait une situation semblable, un siècle au moins plus tard…
C’est évidemment impossible: le décor, les costumes au-raient changé en un siècle au moins (et rares sont ceux et celles qui se réincarnent aussi vite). Il faudrait que l’autre, qu’on voit en face de nous, se réincarne dans un corps identique, et s’habille exactement de la même manière au bon moment. Pour que pareille coïncidence se produise, il faudrait aussi que les événements alentour soient identiques… Le langage même aurait changé. De plus, se réincarne-t-on obligatoirement dans le même pays ?
c/ Explication sérieuse
Rêvé la nuit et oublié le rêve.
Certains retrouvent le rêve et savent alors pourquoi ils reconnaissent la scène. Systématique-ment, j’ai cherché si l’explication était toujours la même; elle l’est, mais rares sont ceux qui se souviennent de leurs rêves. Par ailleurs, c’est l’explication connue des initiés.
On a donc rêvé au futur puisque la scène vécue avait été vue dans tous ses détails plusieurs heures auparavant. On peut donc voir le futur ? Ceci nous amène aux rêves prémonitoires, ce qui ne concerne pas notre sujet.
Reconnaître un lieu
Il arrive qu’on reconnaisse un lieu pourtant jamais visité ou une personne pourtant jamais rencontrée physiquement. C’est une expérience précise, évidente et troublante. Nous sommes alors certains de reconnaître l’endroit; nous pouvons même décrire à l’avance des coins que nous visiterons dans l’instant qui suit; quant à la personne que nous reconnais-sons, nous lui demandons si nous ne l’avons pas rencontrée à tel endroit, à telle occasion. Il faut se rendre à l’évidence: la personne comme le lieu n’étaient pas connus auparavant.
a/ Explication rassurante
De la fausse reconnaissance, le déjà vu. Mêmes fantaisies neurologiques pour l’explication rationnelle.
b/ Souvenir d’une vie antérieure.
Possible mais rare. On reconnaît la vibration mais pas le détail. L’endroit aurait tout de même un peu changé en un siècle ou plus ! La personne aurait aussi changé. Nous pouvons faire les mêmes remarques que pour le déjà vu.
c/ Explication sérieuse
1. On a rêvé au futur et vécu la scène à l’avance (rêve prémonitoire).
2. On a rêvé dans le physique subtil ; on a donc visité presque physiquement le lieu. Pour la personne, on l’a vraiment rencontrée dans le subtil. Dans ce cas, il arrive que la personne se souvienne elle aussi du rêve. J’ai pu le vérifier. Certains détails changent dans le souvenir, mais la scène et les activités, les attitudes, les paroles, tout est semblable.
Le déjà su
Les enfants prodiges ont toujours fasciné. Ils nous fascineront aujourd’hui, car ils nous livrent une preuve formelle de la réincarnation d’un “morceau” déjà construit..
Certes, on pourrait encore noyer le poisson (dans les eaux du Léthé, sans doute) en parlant, selon l’usage, de complexité neuro-corticale qui, parce que…, et refuser la simple évidence: un enfant prodige dispose des capacités d’un adulte, alors qu’aucun enfant normal ne peut seulement assimiler la centième partie des connaissances requises, alors que l’enfant prodige lui-même n’a pas eu le temps matériel d’apprendre et de maîtriser physique-ment ce qui demanderait normalement vingt années de travail acharné, alors que son milieu n’est pas toujours propice à pareil apprentissage.
Certes, certes, répliqueront les tenants du petit catéchisme: le Bon Dieu peut bien créer des génies précoces, tout de même! S’Il les crée Lui-même tels qu’ils sont, c’est qu’Il décide de tout ce qui arrive. Il crée donc, de la même manière, les innombrables bandits qu’Il attend à la sortie pour leur montrer du doigt les portes de l’Enfer. Amen.
Prenons tout d’abord l’exemple des musiciens interprètes prodiges.
Je choisirai les pianistes parce que je connais l’instrument et ses exigences. Jouer du piano n’est pas à la portée du premier venu même si tout un chacun peut enfoncer quelques touches d’un doigt raide et faire crier le piano pour exécuter (à tous les sens du terme) une mélodie populaire ou un petit air folklorique. Apprendre et interpréter les grandes œuvres du répertoire exige des capacités peu communes (une mémoire sans faille, une grande assurance en public, etc.). Certains adultes parviennent tout de même à devenir de vrais pianistes. Que dire alors d’un enfant qui joue comme un adulte à l’âge où ses pairs jouent aux billes (ou se vautrent devant les jeux vidéo), ânonnent quelques textes en classe, n’entendent même pas une œuvre classique’ La plupart des enfants sont incapables d’écouter, encore moins d’apprécier, le grand répertoire musical. Les enfants ne peuvent rester attentifs plus de dix minutes… et certaines sonates durent bien plus longtemps. La plupart des enfants sont incapables de s’astreindre à un entraînement sérieux, qui les priverait de leurs jeux d’enfants.
Quant à retenir de mémoire d’innombrables pages de musique… Quant à jouer avec un orchestre! L’égocentrisme naturel d’un enfant ne peut lui permettre le jeu avec un groupe constitué… Pensons que ces prodiges ont joué en public (véritable récital ou concert et non exhibition devant un parterre de parents complaisants) à l’âge de six ou sept ans.
Laissons pour le moment les interprètes et regardons du côté des compositeurs.
On ne parle pas souvent de l’enfant prodige que fut Gioacchino Rossini (1792-1868). Pourtant…
À 11 ans, il est corniste; de plus, il chante et accompagne au piano à vue. À 12 ans, il est déjà l’auteur de Six sonates pour instruments à cordes.
Il compose à 14 ans son premier opéra (Demetrio et Polibio ). Il présente avec succès des opéras bouffes à Venise. Ce qu’il a écrit à 12 ans vaut ce que ses confrères moins célèbres aujourd’hui écrivaient une fois compositeurs accomplis.
Oublierait-on Camille Saint-Saëns (1835-1921)? Le musicien réincarné poussait très fortement. Malgré une maladie des poumons qui l’affaiblit, l’enfant décide, à deux ans et demi, d’apprendre le piano.
Il assimile en quelques mois la technique du piano que lui enseigne une célèbre virtuose, Camille-Marie Stamaty. Il commence à jouer en public dès l’âge de 5 ans.
Il triomphe, le 6 mai 1846, à la salle Pleyel, à Paris. Il n’a que 11 ans. Il est remarqué et joue à la cour.
On a aussi retenu qu’il était doué d’une mémoire musicale prodigieuse et d’une culture hallucinante. Liszt sera émerveillé par sa technique. Liszt n’était pas le premier venu… Wagner (un autre “super-grand”) s’extasie de la manière dont Camille Saint-Saëns déchiffre la partition de Tristan. Déchiffrer une partition d’orchestre représente un exploit que peu de pianistes adultes peuvent accomplir.
On ne peut passer sous silence le plus célèbre des compositeurs prodiges: Mozart. On a tout dit, tout écrit sur lui. Wolfgang Amadeus Chrysosthomus Mozart est né en 1756 et il est mort en 1791. Ses premières compositions (écoutables) datent de 1762. Il était déjà connu comme interprète et faisait des tournées d’enfant prodige. Ce qu’il compose à 12 ans écrase déjà ses contemporains adultes. Déjà, à huit ans, il avait composé une symphonie comparable en qualité d’écriture à tout ce qu’on connaissait à son époque, c’est-à-dire qu’il égalait ses confrères… adultes. Il les dépassera bientôt. On a vite fait de dire que, grâce à son père compositeur et chef d’orchestre, le jeune prodige n’eut qu’à se servir et être servi… D’autres génies eurent des enfants (Mozart lui-même, Schumann, Liszt, Wagner, etc.) et ils ne furent pas des enfants prodiges.
Abandonnons le royaume de la musique pour passer au domaine de l’intelligence pure et voyons la manifestation du réincarné qu’était Jean-François Champollion (1790-1832), contemporain de Rossini.
Je citerai simplement les “impossibilités” en me servant de l’ouvrage de référence intitulé Champollion .
“François assimila avec avidité les premières notions de latin et de grec, faisant d’étonnants progrès dans la lecture de ces langues dont le sens semblait lui sauter aux yeux. Il aurait ardemment souhaité se perfectionner en dessin, mais aucun professeur n’était à portée, ce qui le plongeait dans de vrais accès de mélancolie, accès qui devinrent plus nombreux à partir de l’automne 1799.”
Champollion était né le 23 décembre 1790, vers deux heures du matin. Ce qui signifie qu’il n’avait pas encore 9 ans quand il découvrait avec avidité le grec et le latin dont le sens semblait lui sauter aux yeux. De plus, il voulait faire du dessin: la photographie n’existait pas encore; un futur archéologue devait savoir dessiner. Quand on parle de dessin, on ne parle pas des gribouillis d’enfant.
“Les jeux des enfants de son âge, il ne les partageait plus depuis longtemps, lui qui en fait de divertissement ne lisait qu’Homère et Virgile […] dans le texte original. Il en récitait de longs passages par cœur.
“Il eut la permission tout à fait exceptionnelle d’apprendre dans les règles avec l’abbé Dussert l’hébreu qu’il s’était efforcé jusque-là de travailler seul — cela se passait en 1801; il venait donc d’avoir onze ans.”
“L’école n’était pas négligée pour autant: “Je suis très content de Monsieur Champollion junior”, écrivait l’abbé Dussert à Figeac qui finit par autoriser son frère à apprendre, en plus de l’hébreu, trois autres langues sémitiques: d’abord l’arabe, puis le syriaque et le chaldéen.”
Terminons cette brève démonstration en rappelant que Champollion était, à 19 ans, docteur ès lettres, secrétaire de la faculté des lettres, professeur d’histoire ancienne. “Ce n’est que…” dira-t-on encore.
Champollion avait un rival plus âgé, et quel rival! Thomas Young (1773-1829). Young essaya vainement de traduire la fameuse pierre de rosette, honneur qui reviendra à Champollion.
Ce qui retiendra notre attention: à 14 ans, Young connaissait le grec, le latin, le français, l’italien, l’hébreu, l’araméen, le syriaque, l’arabe, le persan, le turc, l’éthiopien et, bien entendu, sa langue maternelle, l’anglais. Complexité neuro-corticale ou réincarnation d’un “morceau” déjà construit’
Il fut plus tard l’auteur de la théorie de la propagation ondulatoire de la lumière; il fut connu comme médecin, grâce à ses découvertes sur les propriétés du cristallin et le mécanisme de l’accommodation.
On dira encore que le cerveau humain… En s’incarnant, Young, comme Champollion, avaient annexé le bagage tout prêt qui leur serait nécessaire pour leur mission.
Avant d’être dans Champollion ou dans X et Y, le savant était déjà formé. Le “savant” (pas l’homme) s’était réincarné, avec son intelligence et son savoir d’adulte accompli; si c’était un savant tout entier, le jeune prodige se serait souvenu de ce qu’il était. Les enfants prodiges ne sont pas brillants dans tous les domaines du savoir, mais dans un domaine, aussi vaste soit-il, celui d’une mission particulière, celui qui fut maîtrisé par un seul homme dans une vie précédente.
Thérapie
On parle de plus en plus de thérapie par la régression, la réactivation de souvenirs d’une incarnation précédente. Il est à regretter qu’on n’ait pas souvent pensé à utiliser les souvenirs positifs, les réalisations précédentes, les illuminations antérieures, pour épanouir un patient.
Généralement, le thérapeute utilise des techniques apparentées à la sophrologie. Le patient est donc plus ou moins en train de rêver. Les résultats sont assez probants pour que, statistiquement, on puisse parler de succès.
Ce qui nous intéresse n’est pas le travail thérapeutique en soi, mais ce qui est en cause.
Dans bien des cas, le patient rêve, tout simplement et ses fantasmes sont réactivés, mis en scène comme dans un rêve nocturne. C’est une psychanalyse en accéléré, ce qui n’infirme nullement le résultat, mais ne confirme en rien le souvenir d’une vie antérieure. Il n’est nul besoin de faire appel à la réincarnation. Le patient reste lui-même, avec sa vie actuelle et son monde intérieur que le thérapeute remet en ordre.
Dans d’autres cas, il s’agit réellement d’un élément de l’agrégat venu d’ailleurs. C’est un morceau introduit dans l’agrégat au moment de l’incarnation. Ce morceau peut appartenir (fait exceptionnel) à l’individu lui-même ou (plus généralement) à n’importe qui. C’est un morceau d’être (une subpersonnalité) ramassée en descendant dans un corps. Ce morceau a réellement vécu une autre incarnation. Le succès est là, puisque ce morceau est corrigé. Cette guérison d’un symptôme désagréable ou traumatisant prouve que quelque chose s’est réincarné, mais l’erreur consisterait dans le fait de prétendre que c’est CE patient qui a déjà vécu l’événement ancien.
Enfin (ce qui peut arriver lorsque le patient est naturellement sans protection personnelle — capacités médiumniques par exemple), une entité peut profiter de l’état de passivité pour s’introduire dans l’être et créer “le souvenir”. Le résultat risque de ne pas être très probant, mais le patient est alors persuadé d’avoir revécu une vie précédente tant le scénario était intensément mis en scène. Si le thérapeute est préparé (ce qui est rarement le cas, puisqu’il sera formé académiquement, universitairement seulement), l’entité pourra être expulsée ou mieux détruite, mais cela demande des connaissances d’exorciste. Nous n’irons pas plus loin.
Les enfants qui se souviennent.
Dans leurs ouvrages, le suédois Sture Lönnerstrand et surtout l’américain Ian Stevenson ont démontré au-delà de tout doute que “quelque chose” se réincarne. Un enfant raconte sa dernière vie, dans tous ses détails, sans rien oublier.
Il s’agit bien d’une réincarnation, mais d’un “morceau”, généralement vital (plan des sentiments et des émotions), non détruit, non dissout par la mort. Ce morceau n’est en rien la personne complète, mais une portion de l’ancien agrégat. Le psychique n’a aucun souvenir de ce genre. Connaître la couleur du vêtement de quelqu’un ou l’adresse, le nom des enfants, etc., n’est en rien spirituel. Les souvenirs psychiques sont d’un autre ordre. Il n’empêche que la preuve est fournie. C’est une démonstration phénoménologique: on décrit ce qu’on voit. L’interprétation est peut-être hâtive: on conclut trop vite que A est devenu B.
Résumé
La réincarnation est un fait mais, en quelque sorte, elle se mérite. Adeptes et adversaires de la philosophie réincarnationiste ont donc raison en même temps: ils ne parlent pas du même phénomène. Il fallait d’abord définir les termes et raffiner les expériences.
Le retour dans un nouveau corps est une grande expérience, et le souvenir d’une ou plusieurs incarnations préalables est une aventure éblouissante, mais encore faut-il ne pas se perdre en chemin: des clés sont nécessaires.
En effet, ce n’est pas M. Dupont qui devient, dans la vie suivante, M. Durand. L’être incarné est en réalité constitué de plusieurs “morceaux” plus ou moins autonomes dans leurs incarnations, et certains ne sont formés qu’à partir de la naissance. Ce qui explique les régressions, les thérapies basées sur les réminiscences, les talents innés, le karma et le destin particulier.
Tout comme en Inde aujourd’hui, tout comme les Grecs de l’Antiquité, les premiers Chrétiens “croyaient” à la réincarnation; c’était pour eux une évidence. L’Occident retrouve peu à peu ses racines réincarnationistes.
Conclusion
Tout n’a pas été créé au point de départ par un dictateur; bien au contraire, tout évolue, mais ces transformations n’auraient aucun sens si chacun des êtres n’était qu’une feuille éphémère qui tombe d’un arbre pour se perdre dans l’humus. Il faudrait alors accepter la terrible profession de foi des athées: tout se termine à la mort, après avoir commencé par hasard à la conception.
D’un point de vue extérieur (le phénomène visible, si l’on peut tolérer pareil pléonasme), les êtres naissent et meurent tandis que l’espèce évolue lentement, méprisant les innombrables individus qui meurent sans avoir pris conscience de leur participation involontaire à l’Évolution… qui profitera peut-être à un lointain descendant. Le phénomène cache un noumène, mais un noumène descendu des sphères de l’abstraction pour s’incarner dans la réalité; ce noumène est l’essence, le ressort intime de l’Évolution. C’est un être vivant, immortel, transcendant la mort visible.
Tout ce que le profane connaît de lui-même s’effrite après la mort du corps, mais sa raison d’être demeure, comme le phénix renaissant de ses cendres. Vie après vie se construit un être vraiment “à l’image de Dieu”, un dieu de lumière, qui dirige le destin de celui qui le porte sans le savoir, à moins de passer par la porte étroite.
La réincarnation du psychique est un fait d’ordre cosmique, inéluctable, mais le profane est à jamais inconscient de la présence divine en lui; tout se passe comme si le psychique n’était pas incarné. Le profane ne se réincarne pas; seuls quelques éléments le peuvent (et pas toujours dans des êtres humains).
Les religions populaires occidentales ont raison quand elles affirment: la réincarnation est une illusion; oui, pour leurs fidèles à jamais profanes. Elles devraient se faire discrètes et encourager l’enseignement pour ceux et celles qui peuvent le porter et montrer la voie qui conduit à cette porte et permet de la franchir.
Il est offert à chacun d’être immortel en se “dépouillant du vieil homme”; en s’unissant à ce dieu, chacun peut devenir “un élu”. C’est possible, puisque des milliers l’ont fait. Encore faut-il le désirer.
Si l’appel est sincère, il est entendu, et ce dieu caché organise aussitôt les événements pour que le chercheur de Vérité puisse recevoir l’aide nécessaire. Tout lui arrivera “par hasard”; il saura et il pourra.
Le chercheur de Vérité se découvrira et découvrira le dieu en lui. Il pourra méditer alors sur la belle formule initiatique:
“Connais-toi toi-même et tu connaîtras l’univers et les dieux”.
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Claude-Gérard Sarrazin a publié depuis 1958 près de cinquante ouvrages sur des sujets divers; cependant, tous convergent vers l’éveil et l’élargissement de la conscience. Pour en savoir plus sur la réincarnation, lire L’expérience de la réincarnation aux éditions du Rocher.